Edito : Alfred Nguia Banda.
La vie politique n’est ni un dîner de gala ni une cour de récréation où les acteurs viennent assouvir leurs appétits hédonistes. Elle puise son essence non seulement dans la gestion efficiente et parcimonieuse du pays mais aussi dans la satisfaction des besoins vitaux des populations. D’où le caractère sacerdotal et sacrificiel de la Politique.
Prendre des initiatives antidémocratiques, politiquement incongrues et moralement obscènes constitue indéniablement une source de provocation, une défiance envers les autres acteurs politiques un mépris d’acier envers le peuple. Pourrait-on penser aussi à un réflexe de survie politique ou une posture de désespérance. En effet, les manœuvres hystériques, politiciennes constatées, en ce moment, sont des preuves irréfragables de l’atonie et de l’essoufflement d’un régime. Il faut souligner que plus l’épuisement d’un régime est palpable, plus ses projets et ses lois deviennent davantage scélérats.
Je m’arrête sur deux exemples qui traduisent le manque notoire d’atonie intellectuelle et de la vitamine psychologique de croissance et de maturité politiques de ceux qui gouvernent. Le Philosophe/Historien Camerounais Achille MBEMBE dans une tribune au journal Le Monde écrivait à juste titre : » Le recul de la Démocratie en Afrique est aussi le résultat d’une formidable atonie intellectuelle ».
Le premier exemple concerne la réduction du mandat présidentiel de sept (7)à cinq (5) ans.
Si l’intention peut paraître de prime abord, de bon aloi, elle ne constitue pas cependant une avancée démocratique majeure. En effet, le plus important n’est pas la Réduction mais la Limitation du nombre de mandats pour éviter la sclérose des auteurs politiques.
D’ailleurs Après les Accords de Paris, le mandat présidentiel qui était de sept (7) ans renouvelables indéfiniment avait été ramené constitutionnellement à cinq (5) renouvelable une (1) fois. Pourquoi l’avait on ramené à l’ancienne disposition et aujourd’hui les tenants du pouvoir, par des manœuvres politiciennes, veulent encore le ramener à cinq(5(ans.
La politique n’est pas la Bourse où elle joue au Yoyo. On gère un État et on respecte les populations ; Ce n’est ni un café de commerce ni un pandémonium.
2% L’élection du Président de la république par les parlementaires.
Voici une autre aberration qui discrédite leurs auteurs. C’est un recul démocratique qui priverait les Gabonais d’un droit inaliénable et inviolable ; un droit qui est le pilier de la Démocratie directe.
Sans vouloir dispenser un cours d’histoire du Droit, je voudrais souligner qu’en France, le Droit constitutionnel que les pouvoirs politiques gabonais ont copié jusqu’à la virgule, le suffrage indirect a existé sous les lllème et IV ème Républiques. Mais le référendum de 1962 initié par le Général de Gaulle a fait du Président de la république la clé de voûte du système institutionnel et l’homme de l’essentiel. A ce titre le Président de la république doit impérativement tirer son autorité d’une investiture populaire (discours de Bayeux). Par Référendum en 1962, le Président de la république sera désormais élu par l’ensemble des français pour disposer d’une légitimité solide et incontestable.
Le Premier ministre de la troisième cohabitation, Lionel Jospin réduit le mandat présidentiel de sept (7) ans à cinq (5) renouvelable une (1) fois. La Réduction et la Limitation sont faites en même temps.
Alors si le pouvoir politique gabonais, dans sa déchéance notoire, envisage cette réforme constitutionnelle, nous serons dans un régime PARLEMENTAIRE MONISTE du type anglais, allemand, Espagnol, Israélien et des pays scandinaves. Dans ce régime, le Roi ou le Président de la République règne mais ne gouverne pas. Il joue un rôle décoratif et protocolaire. Il n’émarge pas dans les partis politiques, ne participe pas à l’action politique. Sa prérogative principale est d’enregistrer la démission du Premier ministre sortant et de donner officiellement son onction après l’investiture du nouveau Premier. Le Président de la république est élu par les Députés et le Roi dispose d’un pouvoir de Droit divin.
Le chef d’un parti politique majoritaire après les élections législatives est désigné Premier ministre par les Députés de sa formation politique ou par un groupe de partis dont les similitudes idéologiques et doctrinales entraînent la constitution d’une coalition gouvernementale.
Le Premier ministre ne dépend pas du tout du Président de la république, il forme son gouvernement en toute indépendance, détermine et conduit la politique du gouvernement.
Au Gabon, dans leur intention de s’incruster au pouvoir, de continuer à tirer indûment au flanc et de crucifier définitivement le pays, les tenants actuels du pouvoir mettent en exergue une argumentation fallacieuse dont la superficialité déconcertante les discrédite sur le plan national et international. À force de faire n’importe quoi, on devient n’importe qui.
Déclarer : »Qu’exclure les citoyens du vote serait une source d’économie « traduit inévitablement une carence d’arguments. Quelle indigence.
Il faut souligner que certaines réformes ne peuvent être crédibles que si elles sont soumises aux referendums et non adoptées par voie parlementaire. Les Députés godillots, corrompus jusqu’à la moelle épinière, susceptibles de vendre père, mère, épousé et enfants même pour un plat de lentilles, ne comprennent pas les enjeux.
Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours maître.
Alfred Nguia Banda , Docteur en Droit, DEA d’histoire des Idées politiques, ancien haut fonctionnaire gabonais exilé en France.