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Alors que les autorités de la Transition veulent restructurer le paysage politique gabonais en limitant la prolifération des partis fictifs, de nouvelles mesures contraignantes ont été annoncées pour maintenir une formation politique en activité. Ces critères incluent un nombre élevé d’adhérents dotés d’un NIP, l’obligation d’avoir des élus locaux et nationaux, un siège permanent et un compte bancaire. Si certains saluent une volonté d’assainissement, d’autres dénoncent une manœuvre d’exclusion déguisée. Dans ce contexte tendu, nous avons recueilli l’avis de Mbatchi Joachin, ancien candidat à la présidentielle de 2023 et président du Forum pour la Défense de la République (FDR), un parti reconnu pour sa rigueur et son ancrage sur le terrain.
Monsieur Mbatchi, le gouvernement impose désormais aux partis politiques des critères drastiques pour continuer à exister légalement. Que pensez-vous de ces nouvelles exigences ? Sont-elles, selon vous, légitimes et réalistes dans le contexte politique actuel du Gabon ?
Je tiens tout d’abord à vous remercier de me tendre le micro pour recueillir mon avis sur ces questions d’actualité.
Primo, il est important de faire une distinction entre les exigences imposées aux partis en cours de création et celles concernant les partis déjà légalement constitués.
Dans le premier cas, on parle d’une exigence de 18 000 adhérents, tous détenteurs d’un NIP, en plus d’un siège permanent et d’un compte bancaire. Une équation presque irréalisable, jugée fantaisiste par de nombreux observateurs de la vie politique nationale.
Dans le second cas, il est demandé aux partis existants d’avoir au moins cinq élus nationaux, trente élus locaux, un siège et un compte bancaire. Si certaines de ces conditions paraissent normales, l’ensemble reste excessivement difficile à atteindre. Depuis l’instauration du multipartisme, aucun parti, à l’exception du PDG soutenu par les moyens de l’État, n’a réussi un tel exploit.
Pensez-vous que ces critères visent véritablement à assainir le paysage politique ou constituent-ils, selon vous, une stratégie d’exclusion déguisée des partis émergents ou dérangeants ?
L’argument avancé par les autorités est de vouloir améliorer la loi électorale et rationaliser la cartographie politique, conformément aux recommandations du Dialogue National Inclusif d’Angondjé. Mais ce dialogue, faut-il le rappeler, n’a pas force de loi, car il n’était pas souverain.
Sous cet angle, on peut légitimement s’interroger sur la finalité réelle de cette démarche. Pour beaucoup de nos compatriotes, elle est perçue comme un mécanisme visant à écarter les forces politiques dérangeantes.
Votre parti est-il aujourd’hui en mesure de répondre à ces trois conditions (nombre d’adhérents, présence provinciale, nombre d’élus) ? Si non, que comptez-vous entreprendre pour éviter sa disparition ?
Notre parti, le Forum pour la Défense de la République (FDR), ambitionne de peser sérieusement sur la scène politique nationale. Nous attendons donc les conclusions officielles du comité chargé de réfléchir à ce projet de loi pour nous positionner avec précision. Mais envisager aujourd’hui notre disparition serait prématuré et inenvisageable.
Selon certaines sources, le Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, travaille à la création d’un grand parti politique national et consulte plusieurs leaders en vue d’une fusion. Avez-vous été contacté ? Et quelle a été votre réaction ?
Effectivement, j’ai eu l’honneur d’échanger personnellement avec le Président de la République à ce sujet. Je ne suis pas opposé à l’idée de contribuer, dans une certaine mesure, à l’édification d’un projet commun, notamment autour de la transformation du Rassemblement pour la Démocratie et le Bonheur (RDB) en parti politique.
Cela dit, une telle décision ne peut être prise à la légère. Elle nécessite un débat approfondi et un consensus solide entre les différentes parties prenantes.
En guise de mot de la fin, dites-nous si vous envisagez personnellement d’intégrer ou de faire fusionner votre formation avec le parti en gestation du Président Oligui. Sous quelles conditions accepteriez-vous une telle alliance ?
Le débat reste ouvert et rien n’a encore été formalisé. Il serait donc prématuré d’avancer une position définitive. Je préfère attendre que les discussions prennent une forme concrète avant de m’exprimer davantage sur cette éventualité.
En somme, Mbatchi Joachin salue la volonté affichée de réorganiser le paysage politique, tout en dénonçant la surenchère des critères d’existence imposés aux partis, qu’il juge inadaptés au contexte gabonais. Ouvert au dialogue et à la concertation, il reste prudent face aux manœuvres en cours, tout en réaffirmant la volonté de son parti de jouer un rôle majeur dans le futur politique du pays.