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À l’heure où le Gabon prétend s’engager sur le chemin de la 5ème République, le pays est une nouvelle fois secoué par une affaire sordide, à la croisée de l’impunité, de l’arbitraire et de la brutalité d’un autre âge. La mort atroce du jeune Jerry Moussounda Nguembi, survenue dans des conditions qui relèvent davantage du Far West que d’un État de droit, vient rappeler, avec une violence glaçante, que sous les uniformes et les discours de réforme, l’hydre de la barbarie continue de prospérer en toute tranquillité.
Selon l’organisation SOS Prisonniers Gabon (SPG), qui a courageusement rendu publique cette affaire dans une déclaration datée d’aujourd’hui 14 mai 2025, Jerry Moussounda Nguembi a été arrêté le 8 novembre 2024 au domicile de la mère d’un certain Général BAF à Mindoumbé, pour des soupçons de vol. S’en est suivie une torture si violente que le jeune homme y a laissé la vie. Son corps, ligoté comme un vulgaire colis, aurait été jeté à l’arrière d’un véhicule militaire de santé une Mitsubishi double cabine blanche puis acheminé sans vergogne au commissariat de Sogatol. Là, un agent de permanence n’a pu que constater l’irréparable : Jerry était déjà mort.
Pire encore, au lieu d’ouvrir une enquête rigoureuse et d’identifier les auteurs de cet acte ignoble, les autorités ont préféré s’en prendre au frère de la victime, coupable d’avoir simplement demandé des explications au général concerné. Arrêté, menacé, gardé à vue plusieurs jours par la Brigade Anti-Criminalité (BAC), il a payé le prix du courage dans un pays où poser des questions devient un acte de rébellion.

Six mois plus tard, le corps de Jerry croupit encore à la pompe funèbre de SAAF. Pas d’autopsie officielle commandée par la justice. Aucune instruction judiciaire. Aucune inculpation. Aucune suspension. Aucun sursaut. Rien. L’État regarde ailleurs. Comme si ce jeune homme n’avait jamais existé. Comme si sa vie, sa dignité, son nom ne méritaient ni vérité ni justice. Comme si les familles des pauvres de ce pays devaient, en plus de porter le deuil, porter la honte d’avoir cru qu’elles avaient encore des droits.
Dans son communiqué, SPG pose les bonnes questions :
« Dans un État de droit comme le nôtre peut-on se faire justice soi-même ? Les pauvres n’ont-ils pas droit à la justice ? Leurs vies ont-elles moins de valeur ? »
Des questions qui font mal. Parce que tout le monde connaît la réponse.
La 5ème République naîtra-t-elle dans le sang des innocents ?
Ce drame, cette exécution extra-judiciaire, ce silence assourdissant des autorités judiciaires, ce mépris pour les familles endeuillées, n’est pas un accident isolé. C’est un symptôme. Celui d’un système profondément corrompu où l’uniforme protège tout, sauf la population. Où la hiérarchie militaire devient intouchable. Où le peuple est prié de se taire, de souffrir et d’accepter.
Si l’affaire Jerry Moussounda reste impunie, alors à quoi bon parler de 5ème République ? À quoi bon parler de transition, de refondation, de justice ? À quoi bon promettre un avenir nouveau si la mort d’un jeune Gabonais, torturé à mort dans un domicile privé, ne suffit pas à réveiller l’appareil judiciaire ?
Il ne peut y avoir de République digne de ce nom sans justice. Il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité. Il ne peut y avoir d’autorité sans responsabilité. Si le ministre de la Justice, saisi par SOS Prisonniers Gabon, ne donne pas suite, alors il deviendra complice d’un crime d’État. Le silence sera sa signature.
Dans un Gabon nouveau, le sang d’un innocent ne devrait jamais être balayé sous le tapis par peur des galons ou par soumission au pouvoir.
La mémoire de Jerry Moussounda Nguembi mérite justice. Et le peuple gabonais mérite mieux que cette démocratie de façade, gangrenée par les privilèges, l’impunité et la terreur.
Source : SOS Prisonniers Gabon, Déclaration du 14 mai 2025
« Pour le respect des droits humains »
Par Rhonny Starr Biyong