Quand les anciens journalistes gabonais troquent leur éthique contre de la flatterie politique

Getting your Trinity Audio player ready...

La scène aurait pu être noble si elle n’était pas grotesque. Un groupe de journalistes retraités gabonais, autrefois figures respectées des médias, s’est présenté devant les caméras pour supplier le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, de briguer un mandat électoral. Un geste qui, au-delà de l’acte politique, questionne profondément l’éthique et l’honneur du métier de journaliste.

Le journalisme, par essence, repose sur des principes fondamentaux d’indépendance, de neutralité et d’objectivité. Un journaliste, même retraité, ne peut se muer en militant ou en agent de propagande sans trahir l’essence même de sa profession. En se livrant à une telle mise en scène, ces anciens journalistes renient les bases de leur propre métier. Loin d’un simple soutien, leur démarche ressemble davantage à une tentative désespérée de capter l’attention du pouvoir, voire d’en tirer quelque bénéfice, fût-il symbolique.

Dans un pays où la presse peine encore à trouver une véritable indépendance, où les journalistes actifs subissent des pressions et un manque de moyens, il est scandaleux que ces doyens n’aient jamais pris la parole pour défendre la liberté de la presse, exiger des réformes ou militer pour la création d’écoles de journalisme dignes de ce nom. Où étaient-ils lorsque les médias gabonais s’éteignaient peu à peu sous le poids de la précarité et du manque de professionnalisme ? Où étaient-ils lorsque des journalistes étaient inquiétés pour avoir osé faire leur travail ?

Depuis plus d’un an, on assiste à une véritable inflation de motions de soutien en faveur du président de la transition. Associations, partis politiques, personnalités publiques, tout le monde veut marquer son allégeance, espérant ainsi se maintenir en place ou être récompensé. Cette mise en scène médiatique des anciens journalistes ne fait que s’inscrire dans cette tendance au ‘’Culte de la soumission au pouvoir’’

Mais à quoi servent réellement ces déclarations ? Brice Clotaire Oligui Nguema a-t-il besoin que des journalistes à la retraite lui demandent de se présenter à l’élection présidentielle ? La réponse est évidente : non. Sa candidature est une certitude, et l’enjeu pour lui n’est pas d’avoir des soutiens de façade, mais d’obtenir un score fort et légitime. Or, cela ne se construit pas avec des déclarations creuses, mais avec des stratégies de mobilisation sur le terrain, de persuasion et d’actions concrètes.

Cette sortie publique a suscité de nombreuses critiques. Beaucoup se demandent ce que ces anciens journalistes cherchaient réellement à prouver. À défaut d’avoir agi pour leur profession, ils choisissent de s’illustrer dans une scène pathétique, où la dignité journalistique est sacrifiée sur l’autel de la complaisance politique.

L’image envoyée aux jeunes générations est désastreuse. Quelle leçon tirera un jeune journaliste de cette mascarade ? Qu’il vaut mieux renoncer à l’indépendance et l’intégrité pour espérer un quelconque privilège en fin de carrière ? Ces anciens journalistes auraient pu être des modèles, des guides pour la nouvelle génération, en transmettant un héritage d’exigence et d’excellence. Au lieu de cela, ils s’enfoncent dans une démarche qui ne suscite que le mépris et la consternation.

Le journalisme gabonais souffre de nombreux maux, et ce ne sont pas ces simagrées qui vont l’aider à se relever. Plutôt que d’être des figures respectées de leur profession, ces anciens journalistes ont choisi le rôle de courtisans sans envergure. Leur prise de parole ne restera pas comme un acte courageux, mais comme une page honteuse de la presse gabonaise. Un journaliste, qu’il soit en activité ou à la retraite, n’a pas à être un faire-valoir du pouvoir. Il doit rester une voix libre, un observateur critique, un témoin honnête de son temps. À ces vétérans des médias qui ont oublié leur serment, on rappellera que la véritable grandeur du journalisme ne réside pas dans la flatterie du pouvoir, mais dans la défense de la vérité et de l’intérêt général.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *