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Alors que les bulldozers de l’administration ont broyé des vies sans ménagement, ce sont des citoyens ordinaires, mus par l’honneur et la compassion, qui tentent de réparer l’irréparable. Une leçon d’humanité dans un pays blessé. Ce qui s’est passé à Plaine Orety, ce quartier populaire situé derrière l’Assemblée nationale, est une tragédie nationale que rien ne saurait justifier. Sous couvert de développement urbain, des centaines de familles ont été brutalement arrachées à leur quotidien, sans préavis concret, sans relogement, sans ménagement. Des pères, des mères, des enfants, certains en pleine année scolaire, d’autres en classe d’examen, se retrouvent aujourd’hui à dormir à la belle étoile, au nom d’un projet dont l’urgence reste à démontrer.
Le gouvernement, sûr de sa communication, parle d’indemnisations versées et d’avertissements donnés en amont. Mais sur le terrain, une toute autre réalité s’impose : celle de citoyens affirmant n’avoir jamais reçu le moindre franc, ou n’avoir été informés de rien. Des agents auraient détourné les fonds d’indemnisation. Des locataires, n’étant pas propriétaires, n’étaient tout simplement pas inclus dans les plans d’éviction « propres ». Tout le monde a été mis dans le même sac, balayé sans distinction. Une opération brutale, inhumaine, injuste.
Et pourtant, là où l’État a failli, les Gabonais ont pris le relais. Loin des grandes déclarations et des promesses sans lendemain, ce sont des gestes concrets, directs, fraternels, qui ont surgi des cendres de Plaine Orety. Une jeune Gabonaise, par exemple, a proposé depuis l’étranger sa maison vide de deux chambres, sans caution, sans frais d’agence, à un prix modique, et avec un mois de loyer offert. D’autres offrent des immeubles inachevés pour loger les sinistrés. Certains réduisent leur loyer de moitié. C’est un élan de solidarité sans précédent qui se déploie, spontanément, sans intermédiaires, sans conditions. Un sursaut citoyen qui rappelle que le peuple gabonais a toujours su faire preuve de dignité dans l’adversité.
Plaine Orety: Une opération brutale, inhumaine, injuste.




Cette tragédie, aussi révoltante soit-elle, révèle une fracture plus profonde. Pourquoi une telle urgence dans la démolition, alors que tant d’autres projets, eux aussi annoncés en grande pompe, dorment dans les tiroirs ? Pourquoi ne pas avoir attendu la fin de l’année scolaire ? Pourquoi persister à détruire alors que des voix s’élevaient pour dénoncer des indemnisations non perçues ? Était-il si difficile de mener une enquête avant de raser les maisons de citoyens honnêtes ? Le traumatisme aurait pu être évité. L’humiliation, épargnée.
Le Gabon traverse une zone de turbulences multiples : délestages à répétition, scandales non résolus de l’ancien régime, pertes territoriales, colère populaire. Fallait-il encore ajouter à cela un déguerpissement massif mené avec autant de froideur et de brutalité ? En ces temps de doute, de souffrance collective, les Gabonais démontrent qu’ils savent encore ce que veulent dire les mots « honneur » et « fraternité ». Là où les institutions désertent leur devoir moral, c’est le peuple qui devient bouclier. Et c’est ce peuple, invisible mais debout, qui sauve l’honneur d’un pays déchiré par les trahisons de ses élites.
Oui, les Gabonais relogent ceux que l’État a jetés à la rue. Oui, ils pansent les plaies que le pouvoir politique a ouvertes. Et c’est dans cette solidarité pure, désintéressée, que réside aujourd’hui la vraie grandeur du Gabon. Plaine Orety, malgré la poussière et les gravats, est devenue le théâtre silencieux d’une résistance humaine. Le symbole d’un peuple qui refuse l’indifférence, et qui continue, coûte que coûte, à se battre pour la dignité.