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Ils étaient les colonnes du temple musical du septentrion gabonais. Aujourd’hui, elles vacillent, fendillées par la maladie, pendant que le silence s’installe sur les scènes qu’ils faisaient vibrer. Une coïncidence tragique ou une sorcellerie bien orchestrée ?
Il y a quelque chose de franchement étrange pour ne pas dire mystique qui se trame dans le ciel du Woleu-Ntem. La musique de cette province, autrefois portée haut par des voix puissantes et des rythmes envoûtants, semble aujourd’hui sous emprise… d’un sort particulièrement cruel.
Premier à tomber, Sima Mboula, frappé par un AVC il y a près d’un an, peine à se relever. Entre les soins coûteux et les poches vides, l’espoir de le revoir électriser les foules devient un mirage. Il est là, loin des projecteurs, perdu dans le couloir d’attente d’un système de santé impitoyable pour les oubliés.

Puis, comme si cela ne suffisait pas, c’est l’icône absolue, le « Phénoménal » Ndong Mboula, qui s’effondre à son tour. Un malaise soudain, un coma brutal. Le pays entier retient son souffle. Hospitalisé, il remonte doucement la pente, mais à quel prix ? À son âge et avec de telles séquelles, pourra-t-il un jour rugir à nouveau sur scène comme un lion du grand Nord ? Rien n’est moins sûr.

Et le bouquet final ? Alexis Abessolo, autre légende du terroir, rapatrié discrètement de France après des soins intensifs. Amaigri, diminué, presque méconnaissable. Sa voix, jadis chaude comme les feux de brousse, semble aujourd’hui n’être qu’un souffle dans la brise du doute.
Alexis Abessolo lors de son retour au pays


Trois géants terrassés en moins d’un an. Trop, c’est trop. Le public s’interroge, les fans s’affolent. Et dans les rues de Bitam ou d’Oyem, certains commencent à murmurer des mots qui font frissonner : sorcellerie, malédiction, coup monté. Et pourquoi pas ? Après tout, quand la logique s’effondre, les superstitions prennent le relais.
Mais au-delà des fantasmes, une vérité brute s’impose : la musique du Woleu-Ntem est orpheline. En l’absence de ses figures tutélaires, le flambeau vacille, les micros s’éteignent, et les mélodies s’égarent dans les couloirs de l’oubli. Qui pour reprendre le relais ? Qui pour chanter le Nord avec autant de grandeur ?
En attendant la relève si relève il y a , c’est le silence qui règne. Un silence lourd, inquiétant, presque sacrilège. Et dans ce vide, une seule certitude : la musique, comme les hommes, peut mourir quand on ne prend pas soin de ses héros.