Lors d’une émission télévisée où la transparence était à l’honneur (ou plutôt à l’épreuve), Julien Nkoghe Bekale, l’ancien Premier ministre du défunt régime d’Ali Bongo, a décidé de briser le silence en révélant les salaires des hauts fonctionnaires gabonais. Le président de la République, apparemment modeste, touchait la somme extravagante de 7 500 000 FCFA par mois, tandis que le Premier ministre se contentait de 4 700 000 FCFA. Les ministres d’État se grattaient le porte-monnaie avec 3 500 000 FCFA, les ministres simples avaient la maigre pitance de 3 000 000 FCFA, et les ministres délégués, les pauvres, se contentaient de 2 500 000 FCFA.
Ces révélations, censées éclairer la question de la transparence financière, ont plutôt été perçues comme une grande farce et une énorme bévue venant d’un juriste comme Julien Nkoghe Bekale, qui, en tant que magistrat, aurait dû mesurer les conséquences de telles affirmations. En effet, avec de tels salaires, il est fascinant de voir comment ces fonctionnaires pouvaient accumuler des villas à faire pâlir d’envie les sultans, des voitures de luxe comme des jouets pour enfants et des voyages dignes des plus grands explorateurs.
Nkoghe Bekale, dans un élan de générosité, a tenté de nous expliquer que les ministres bénéficiaient de nombreux avantages tels que le logement de fonction et le personnel domestique. Quel soulagement! Mais, sérieusement, ces avantages expliquent-ils comment ces fonctionnaires pouvaient financer les études de leurs enfants dans les écoles les plus chères du monde, soutenir leurs entreprises florissantes et encore faire tourner les caisses de leurs partis politiques?
Au lieu de calmer les esprits, les révélations de Nkoghe Bekale ont plutôt mis le feu aux poudres, dévoilant une hypocrisie éblouissante et une corruption galopante. En affirmant que les membres du gouvernement n’avaient jamais gagné assez pour être considérés comme riches, Bekale a brillamment ouvert la voie à une enquête sur l’origine de leur richesse. Bravo pour la touche de subtilité!
Dans le cadre de la transition actuelle, qui semble être le moment idéal pour redorer le blason du pays, ces révélations devraient provoquer une enquête d’une rigueur sans précédent. Chaque ancien haut fonctionnaire, y compris Nkoghe Bekale lui-même, doit être invité à justifier la provenance de ses richesses. Car, bien sûr, nous sommes tous impatients de découvrir comment ces salaires modestes ont transformé ces fonctionnaires en magnats de la finance.
Le Gabon est à un tournant décisif. La période de transition est la parfaite opportunité pour entamer une ère de transparence où les révélations de Nkoghe Bekale serviront, espérons-le, à déclencher une enquête aussi sérieuse que ses révélations étaient grandioses. Le peuple gabonais mérite des réponses, et il est grand temps que ceux qui ont abusé de leur pouvoir soient tenus responsables. Seule une approche mordante et sans concessions permettra au Gabon de se reconstruire sur des bases moins… clinquantes.