La campagne médico-chirurgicale de l’Arche de la Paix, surnommée « Navire hôpital chinois », avait suscité un immense espoir chez les Gabonais. Organisée par le ministère de la Santé, sous la direction du Pr. Adrien Mougougou et avec l’appui de la coopération chinoise, cette initiative était destinée à offrir des soins gratuits aux populations les plus démunies. Du 19 septembre au 3 octobre 2024, les Gabonais pouvaient bénéficier de consultations et d’interventions médicales dans plusieurs spécialités, telles que la cardiologie, l’ophtalmologie, la chirurgie générale, et bien d’autres. L’objectif affiché était de réduire les inégalités d’accès aux soins, une promesse qui a immédiatement fait naître de grandes attentes chez les patients.
L’organisation semblait bien huilée : les populations devaient s’inscrire entre le 6 et le 17 septembre dans différents centres hospitaliers de Libreville. Les listes des patients retenus étaient censées être établies avec rigueur, et les soins, entièrement gratuits. Toutefois, la réalité sur le terrain s’est révélée bien différente pour de nombreux Gabonais.
Les témoignages se multiplient, dénonçant des pratiques discriminatoires et des abus financiers, notamment au Centre Hospitalier Universitaire d’Owendo (CHUO). Des patients, pourtant inscrits et en attente d’opérations, n’ont jamais été rappelés. Parmi eux, une patiente raconte son expérience amère : « Inscrite pour une opération de la cataracte, je suis reçue et consultée par une ophtalmologue le 11 septembre 2024. On enregistre ma demande, on prend mes coordonnées, et on me demande d’attendre chez moi, on m’appellera. Mais les jours passent et aucun appel ne vient. Lassée, je retourne au CHUO pour découvrir que mon dossier n’a jamais été transmis à la délégation chinoise. On me demande ensuite de payer 400 000 francs CFA par œil pour l’opération, alors qu’elle était censée être gratuite. »
Ce témoignage met en lumière un dysfonctionnement majeur dans l’organisation de la caravane médicale. Pourquoi ces patients, pourtant inscrits dans les règles, n’ont-ils pas pu accéder aux soins gratuits promis ? Pourquoi les consultations et interventions gratuites se transforment-elles subitement en prestations payantes, inaccessibles pour beaucoup de Gabonais ? Les frustrations sont grandes, et les questions nombreuses.
Loin d’être un cas isolé, ce problème touche de nombreux patients qui, tout comme la plaignante, se sont vus refuser des soins pourtant annoncés comme gratuits. D’autres encore, bien qu’ayant entamé des démarches préopératoires, se sont heurtés à des demandes de paiements exorbitants. L’esprit de gain semble avoir pris le dessus sur la solidarité initialement annoncée. Au CHUO, des agents de santé ont été accusés de détourner cette opération humanitaire pour leur propre bénéfice, demandant des sommes astronomiques à des patients qui ne peuvent les payer.
Face à ces abus, il est légitime de se demander si des sanctions seront prises contre les responsables de ces pratiques. Le projet de soins gratuits, qui devait venir en aide aux plus démunis, est en train de se transformer en cauchemar pour ceux qui espéraient y trouver une solution à leurs problèmes de santé. Le manque de transparence et les pratiques discriminatoires ne font qu’accentuer les inégalités que cette initiative était censée corriger.
Alors que cette campagne médicale chinoise devait symboliser un geste de solidarité internationale et une avancée majeure pour le système de santé gabonais, elle révèle plutôt les failles profondes du secteur. L’espoir de voir les soins médicaux accessibles à tous s’est évanoui pour de nombreux Gabonais, laissant place à la frustration et à la colère.
L’accès à la santé ne devrait pas être un luxe réservé à ceux qui ont les moyens de payer. Il est impératif que des mesures soient prises pour corriger ces dérives et que les autorités gabonaises s’assurent que de telles initiatives futures soient réellement au service du bien-être de la population, sans discrimination ni abus. Pour l’instant, ce sont les promesses de gratuité qui sont remises en cause, et la confiance des Gabonais dans leur système de santé qui est à nouveau fragilisée.