Depuis la mise en avant de l’article 170 dans le projet de la nouvelle Constitution, une question brûlante anime les débats au Gabon : pourquoi cette amnistie ne mentionne-t-elle pas explicitement Kelly Ondo Obiang et ses compagnons, initiateurs du premier coup d’État en 2019 ? Pour beaucoup de Gabonais, cette omission interroge la portée de cette disposition, conçue pour pardonner les auteurs du coup d’État du 30 août 2023, mais qui semble ignorer des figures clés de la contestation militaire récente.
L’amnistie, dans sa forme actuelle, vise à protéger les militaires ayant mené l’acte du 30 août, en reconnaissant leur « coup de libération ». Cependant, Kelly Ondo Obiang, ancien lieutenant de la Garde républicaine, et ses compagnons n’apparaissent pas parmi les bénéficiaires de cette clémence. Ce même Ondo Obiang, qui a risqué sa vie en janvier 2019 en prenant la parole pour dénoncer le régime d’Ali Bongo, reste détenu, tout comme ses compagnons, contrairement aux militaires actuels qui bénéficient d’une amnistie anticipée.
Le vice-président de l’Assemblée nationale, Geoffroy Foumboula, défend vigoureusement l’amnistie. Selon lui, les militaires de 2023 méritent d’être absous pour leurs actes au service de la libération nationale. Il affirme que « ce coup d’État a sauvé le Gabon d’une crise politique sans précédent », tout en soulignant que la Constitution, en tant que texte impersonnel, ne doit pas mentionner des noms spécifiques mais fixer des principes. Cependant, de nombreux citoyens trouvent cette position insuffisante : l’amnistie, disent-ils, devrait reconnaître tous ceux qui ont, à un moment donné, risqué leur vie pour le pays. Ils réclament donc une précision : pourquoi l’article ne mentionne-t-il pas explicitement le cas de Kelly Ondo et de ses compagnons ?
En haut , Kelly Ondo Obiang en compagnie de ses compagnons , en bas quelques membres de la junte au pouvoir
Le citoyen Yoan-Kevin Asse Allogho soulève cette contradiction : « Où est-il mentionné dans cet article qu’il s’agit des militaires du 30 août uniquement ? » Pour lui, il est légitime que les Gabonais comprennent qui sont exactement les bénéficiaires de l’amnistie. Cette question de clarté juridique touche aussi à la notion de justice pour les citoyens. Pourquoi certains militaires devraient-ils bénéficier d’une grâce pour un acte, tandis que d’autres, comme Kelly Ondo et ses compagnons, qui ont agi pour des motifs similaires, sont toujours emprisonnés ?
La question de Kelly Ondo Obiang et de ses compagnons divise également les observateurs. Emmanuel Nze interpelle directement Foumboula : « Si l’amnistie concerne les militaires du 30 août, pourquoi ne pas reconnaître le cas de Kelly Ondo et de ses compagnons ? » Pour beaucoup, leur détention alors que l’amnistie se prépare pour d’autres militaires relève de l’injustice et d’une mémoire sélective qui pèse sur la conscience nationale. « Si le coup d’État est un acte anticonstitutionnel, pourquoi en faire une exception pour certains et non pour d’autres ? » interroge Ivan Ngomo, qui craint que cette amnistie ne serve de précédent dangereux, incitant potentiellement d’autres militaires à s’engager dans des actions similaires sans conséquences.
L’amnistie devient ici un prisme révélateur des failles de cette transition : la justice doit-elle se montrer sélective pour garantir une stabilité politique ? Ou bien, en ne rendant pas hommage à ceux qui, comme Ondo Obiang et ses compagnons, ont tenté de renverser un régime jugé tyrannique, la transition court-elle le risque de bafouer l’esprit de réconciliation nationale ?
En attendant des réponses, le peuple gabonais continue de se questionner. Tandis que l’article 170 est débattu, la figure de Kelly Ondo Obiang et de ses compagnons devient le symbole d’une justice qui, pour certains, reste partielle et incomplète. Pour ces citoyens, la réconciliation nationale ne pourra être atteinte que lorsque chaque acteur des combats passés, quel que soit le moment ou la forme de sa résistance, aura droit à un traitement équitable.