Getting your Trinity Audio player ready...
|

Depuis bien avant le coup d’État qui a porté le général Brice Clotaire Oligui Nguema au pouvoir, la SEEG (Société d’Énergie et d’Eau du Gabon) n’arrivait plus à répondre convenablement aux besoins de la population dans l’ensemble des neuf provinces du pays. Coupures d’eau régulières, délestages incessants : le quotidien des Gabonais a longtemps été rythmé par ces carences. Ces dysfonctionnements ont eu des conséquences graves, notamment sur le fonctionnement des entreprises et sur le plan sécuritaire, avec des décès enregistrés dans des centres médicaux, souvent dans le silence total des autorités.
Le peuple, meurtri par tant de souffrances, avait placé beaucoup d’espoir dans la période de transition, pensant que la rigueur militaire mettrait enfin un terme à cette longue crise. Mais rien n’a changé. Pire encore, malgré des annonces spectaculaires, des remaniements à la tête de la SEEG, et la promesse de nouvelles orientations, la situation ne fait qu’empirer. De nombreux scandales liés à des fraudes et magouilles internes ont été révélés, mais sans jamais qu’aucune sanction sérieuse ne soit appliquée aux auteurs.
À la veille des élections ayant reconduit Oligui à la tête de l’État, un léger mieux avait été constaté. Ce semblant de retour à la normale avait ravivé les espoirs. Mais la désillusion est aujourd’hui totale : les anciennes souffrances sont revenues, souvent aggravées. La population subit de nouveau de longues coupures d’eau et d’électricité, sans explication valable.
Face à cette nouvelle crise, les autorités tentent de détourner l’attention en avançant une théorie de sabotage. Mais de quel sabotage parle-t-on ? Et surtout, qui peut encore y croire ? Il est évident que les problèmes sont ailleurs. Ce n’est pas une poignée d’individus mal intentionnés qui peut expliquer à elle seule l’effondrement d’un système aussi vital. La vérité, c’est que les responsables en place refusent de dire les choses telles qu’elles sont : la SEEG souffre d’un mal profond et ancien, jamais réellement traité.
Un regard dans le rétroviseur suffit à le prouver. En mars 1993 déjà, le journal L’Union titrait : « La SEEG dans l’impasse ». À l’époque, l’entreprise croulait sous les dettes (plus de 40 milliards de FCFA), avec une trésorerie famélique. La faillite était déjà évoquée. Les causes ? Mauvaise gestion, investissements mal planifiés, infrastructures vétustes, forte dépendance aux subventions de l’État. Trente ans plus tard, les mêmes maux persistent.
La reprise de la SEEG par l’État en 2018, après la rupture du contrat avec Veolia, n’a rien résolu. Malgré des investissements annoncés, des projets de barrages ou de modernisation des réseaux, les résultats se font attendre. Le service reste défaillant, les plaintes se multiplient, les employés entrent en grève, et les populations s’impatientent.
En 2025, comme en 1993, c’est la même rengaine : dettes, mauvaise gestion, infrastructures délabrées, et surtout une classe dirigeante incapable d’admettre ses échecs. Les discours sur la transparence et la refondation du service public ne suffisent plus. Il ne s’agit pas d’un sabotage. Il s’agit d’un système qui refuse de se réformer, d’un aveuglement volontaire, d’une incapacité chronique à dire la vérité au peuple gabonais.
Tant que les vraies causes ne seront pas nommées et les coupables réellement sanctionnés, la SEEG restera une plaie ouverte dans le quotidien des Gabonais. Et les fausses explications n’y changeront rien.