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Le silence est parfois plus violent que les bulldozers. Depuis le début de l’opération de déguerpissement de masse à Plaine Orety, derrière l’Assemblée nationale et l’ambassade de Chine, un vent de colère s’est levé dans tout le pays. Les populations arrachées à leurs toits, leurs souvenirs broyés par les machines, leurs vies suspendues sous les étoiles. Et pendant ce temps-là… silence radio du côté du pouvoir.
Pourtant, les motifs invoqués pour cette opération sont sur le papier nobles : modernisation de Libreville, construction d’une cité administrative, désengorgement urbain. Qui peut être contre le développement ? Mais une telle opération, menée dans la brutalité, sans respecter les procédures légales ni le droit au relogement, devient une violence d’État. Une bavure urbaine. Une trahison sociale.
Ce sont des voix extérieures au pouvoir qui se sont élevées avec courage : Alain-Claude Billie-By-Nzé, pourtant ancien ministre du système Bongo, Bob Mengome, surnommé le Loup Solitaire, et des activistes de la diaspora. Des voix que l’on attendait ailleurs, mais qui ont su se dresser là où le devoir l’exigeait.
Mais là où l’on attendait les proches du Chef de l’État, il n’y eut… rien. Pas une parole, pas une larme, pas un geste. Oligui Brice Clotaire est seul dans son bateau. Un capitaine courageux, mais cerné d’une mer de traîtres au silence complice.
Chez nous, on dit : « la bouche qui mange ne parle pas ». Voilà donc à quoi se résume le soutien de ses collaborateurs : une couardise bien habillée. Par peur de perdre leur poste, leur 4×4 ou leur standing, ils abandonnent le président à la vindicte populaire. Ils n’osent ni défendre le projet, ni compatir aux douleurs qu’il engendre. Résultat : Oligui apparaît comme le seul bourreau du peuple, alors qu’il devrait être vu comme le porteur d’un grand dessein. Triste renversement.
Et comme toujours, il a fallu que le Président lui-même se rende sur le terrain pour jouer le rôle de l’humaniste… et soudain, tout le monde va vouloir faire pareil. Cette hypocrisie est écœurante. Elle est la preuve que si demain le pouvoir vacille, ces gens-là seront les premiers à fuir, les premiers à rejoindre les rangs adverses, les premiers à renier celui qu’ils encensent aujourd’hui.
Oligui est prévenu. L’Histoire est remplie de dirigeants trahis par leur entourage au moment crucial :
- Blaise Compaoré, abandonné par l’armée en 2014, après des années de règne fort et une tentative de tripatouillage constitutionnel ;
- Mobutu, que tous fuirent dès que l’étau de Laurent-Désiré Kabila se referma en 1997 ;
- Hosni Moubarak, président tout-puissant d’Égypte, isolé en quelques jours quand la rue s’est enflammée en 2011 ;
- Et plus près de nous, Ali Bongo, trahi jusque dans sa propre maison, incapable de compter sur ceux qu’il avait enrichis.
La solitude au sommet est une maladie mortelle pour le pouvoir. Elle est le signal que le navire prend l’eau. Que les rats se préparent déjà à sauter.
Alors que faire ?
Conseils au Président Oligui Nguema :
- Faites l’audit de vos loyautés. Séparez les mangeurs opportunistes des vrais bâtisseurs de la République.
- Exigez la prise de parole de vos ministres et directeurs. Sur chaque projet d’envergure, qu’ils s’engagent publiquement ou qu’ils dégagent.
- Mettez en place une cellule d’éthique et de veille sociale pour accompagner chaque opération à risque. Le progrès ne se construit pas sur des larmes.
- Associez les communautés aux projets d’aménagement. Ce n’est pas parce qu’on veut construire que l’on doit détruire les vies.
Car aujourd’hui, ce n’est pas seulement le sort des déguerpis qui est en jeu. C’est votre image. C’est votre autorité. C’est votre avenir.
Un capitaine seul dans son bateau peut être admirable. Mais en politique, un capitaine seul… finit souvent par sombrer.