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L’affaire des déguerpissements à Plaine Orety prend une tournure inquiétante, non seulement sur le plan social et humain, mais surtout au niveau politique et institutionnel. Ce qui se joue désormais dépasse la question de relogement des familles sinistrées. Il s’agit d’une crise de confiance profonde, alimentée par une communication officielle oscillant entre confusion, approximations et contradictions flagrantes.
Dans un communiqué diffusé en soirée le 11 juin 2025, la Présidence assurait que le Chef de l’État avait inspecté, de nuit, les zones affectées par les récentes opérations de déguerpissement. Le document affirmait qu’aucun sans-abri n’avait été repéré sur place. Une affirmation aussitôt remise en question par une partie de l’opinion, en raison de l’absence de preuves concrètes ou de témoignages indépendants. Or, quelques jours plus tard, lors d’un nouveau passage du Président Brice Clotaire Oligui Nguema sur les mêmes sites, les personnes soi-disant absentes étaient bel et bien visibles. Ce revirement brutal jette un flou sur la cohérence du discours officiel et soulève des doutes sur la transparence de la communication présidentielle.
S’agit-il d’une erreur d’appréciation ? D’une tentative de dissimulation ? Ou simplement d’une mauvaise coordination entre les services de communication de la Présidence et la réalité du terrain ? Quelle que soit la réponse, les conséquences sont lourdes : l’image du Président s’en trouve écornée, sa parole décrédibilisée.
Ce n’est pas la première fois que la communication étatique donne l’impression de se faire rattraper par les faits. L’affaire Sylvia Bongo et Noureddin Bongo en est un précédent révélateur : au départ, démentis en série sur leur libération, relayés avec insistance par les canaux officiels. Puis, sous la pression de la presse privée et des activistes, une reconnaissance partielle de leur assignation à résidence. Enfin, une fuite médiatique sur leur exfiltration vers l’Angola, suivie d’une justification tardive évoquant des raisons de santé. Aujourd’hui, la famille Bongo est en Angleterre et, selon certaines sources, aurait engagé des poursuites judiciaires contre l’État gabonais.
Cette gestion brouillonne des informations sensibles crée un climat de suspicion généralisée. Pire, elle alimente l’idée que les institutions sont prêtes à manipuler la vérité pour servir une stratégie de communication à court terme, au détriment de la transparence et du respect du citoyen.
La véritable question, désormais, est de savoir qui pilote la politique de communication du Président Oligui Nguema. Est-elle directement orchestrée par le Chef de l’État ou confiée à des collaborateurs déconnectés des réalités du terrain ? Quelle est la part de stratégie et celle d’improvisation dans une communication officielle qui vacille à chaque intervention publique ? Quoi qu’il en soit, le résultat est le même : l’opinion publique s’interroge, se méfie et, peu à peu, se détache.





Or, un chef d’État qui perd la confiance de son peuple entre dans une zone de turbulence où chaque décision, même légitime, est perçue avec scepticisme. La communication n’est pas un artifice. Elle est une composante essentielle de la légitimité politique. Elle ne doit ni masquer la réalité, ni enjoliver les faits, mais plutôt donner du sens à l’action publique, en rendant compte avec rigueur, clarté et constance.
Le président Oligui Nguema n’a pas le luxe de l’erreur répétée. Son pouvoir est encore jeune, encore fragile. Il repose en grande partie sur l’adhésion populaire née de la promesse d’un renouveau. Mais cette promesse ne peut être tenue que si le peuple est informé, écouté et respecté. Une communication opaque, hésitante ou manipulatrice rompt ce pacte de confiance.
Il est urgent que la Présidence redéfinisse sa stratégie de communication : transparence, cohérence, responsabilité. Il ne s’agit pas de faire du spectacle, mais d’expliquer les choix, d’assumer les difficultés, de rendre des comptes.
C’est à ce prix que le président Oligui pourra rétablir un lien de confiance durable avec le peuple gabonais. Faute de quoi, les couacs de communication se transformeront en fractures politiques. Et celles-ci, une fois ouvertes, sont difficiles à refermer.