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Article 82, alinéa 3 du code électoral : aucune remise en cause du mandat du Chef de l’État.
Par Dr Jonathan Ndoutoume Ngome
Universitaire/UOB
L’éventualité de la création d’un parti politique présidentiel suscite des réactions au sein de l’opinion politique nationale.
Certains acteurs politiques n’hésitent pas à convoquer certaines dispositions du code électoral, notamment l’article 82 alinéa 3. C’est les cas de notre compatriote, le Député Jean Valentin Léyama.
En effet, l’interprétation faite par le député, Jean Valentin sur les dispositions de l’article 82 alinea 3 du code électoral est erronée, tant sur le plan politique que juridique.
I-Sur le plan politique
I.1- le coup d’État du 30 août 2023.
La prise du pouvoir par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions a entraîné la mise à plat des institutions, notamment les partis politiques même s’ils sont représentés au parlement et au Conseil Economique, Social et Environnemental. Mais c’est surtout le Dialogue National Inclusif qui a proposé de renforcer les conditions de leur création et de leur maintien et surtout de dissoudre les partis politiques. Cette dernière proposition, quoi que non juridiquement actée, n’en a pas moins produit des effets. Pendant le référendum constitutionnel comme lors de l’élection présidentielle, la logique partisane n’était pas la règle. L’intérêt national a primé sur les intérêts partisans. Il y a donc eu comme un consensus d’inaction partisane des partis politiques dans le sens de la prise du pouvoir. Celui-ci met en exergue la mise en veilleuse de fait des partis politiques. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’élection présidentielle du 12 avril 2025, une élection sans partis politiques concourant directement à l’expression du suffrage.
I.2-Le consensus sur les partis politiques .
Le consensus sur la mise en veilleuse des partis politiques se justifie par l’attente, par les différents leaders politiques et des citoyens, de la réforme de la loi sur les partis politiques telle que préconisée par les conclusions du Dialogue National Inclusif, C’est cette nouvelle loi qui constitue le fondement juridique du système partisan dans le cadre de la Vème République. En d’autres termes, Brice Clotaire Oligui Nguema a été élu dans le cadre d’un système partisan inexistant en fait.
Or, l’article 82 se réfère à un système partisan structuré avec des partis politiques légalement constitués et des candidats indépendants. Il ne peut donc s’appliquer au Président de la République
II-SUR LE PLAN JURIDIQUE
1-L’objet de l’article 82.
L’objet de cet article 82 du code électoral est d’éviter ou de lutter contre le vagabondage politique ou le nomadisme politique pratiqué au Gabon depuis 1957/58 jusqu’aux années 1990. Cet article concerne donc essentiellement et exclusivement les parlementaires et les élus locaux.
En d’autres termes, il ne vise nullement le Président de la République élu qui n’est pas concerné par le phénomène de la transhumance politique.
L’article 82 alinéas 3 ne vise qu’un parti politique légalement reconnu. Il s’agit donc d’un parti qui existe déjà juridiquement et est implanté.
Il ne fait pas état d’un parti politique nouvellement créé ou en cours de création. Là encore, le Chef de l’Etat n’est pas concerné ici.
II.2. Article 82: Quid de l’adhésion et de la création d’un parti politique ?
L’article 82 alinéas 3 n’interdit que l’adhésion à un parti politique; il ne dit rien sur la création d’un parti politique. Le droit des partis politiques fait bien une distinction claire entre le droit de créer un parti politique et le droit d’adhérer à un parti politique. Il s’agit là des droits fondamentaux reconnus à tous citoyens remplissant les conditions requises. D’ailleurs, pour bien montrer leur différence, le législateur prévoit des conditions différentes pour créer et pour adhérer. Ces droits doivent être exercés librement par chaque citoyen, Nul ne peut être obligé de créer un parti politique ou d’adhérer à un parti politique. Ces droits peuvent être exercés concomitamment ou séparément. Autrement dit, un citoyen peut décider de créer un parti politique avec les autres et ne pas être membre. Le Président comme tout citoyen peut décider d’être le fondateur d’un parti politique et de ne point être membre. Dans cette personne, il se donne ainsi un instrument politique qu’il ne pilote pas, mais qui le soutient dans la réalisation de son projet de société. Cette option permet au Chef de l’Etat de se mettre au-dessus de la mêlée politique. Cette position peut d’ailleurs bien correspondre à l’actuelle Chef de l’Etat qui a remporté l’élection présidentielle avec le soutien de tous les Gabonais. Il serait ainsi l’incarnation de l’unité de la nation, et par son arbitrage, le régulateur du bon fonctionnement des institutions.
II.3.La conséquence de l’article 8, alinea 3
L’article 82 alinéas 3 prévoit une conséquence fatale pour tout élu qui ne respecte pas ses prescriptions l’annulation de son élection et donc la remise en cause de son mandat. Il ne peut concerner le Président de la République car seule la Constitution détermine strictement les causes d’interruption de son mandat : la vacance de la présidence de la République ou l’empêchement définitif (article 46) et la condamnation définitive du Président de la République par la Haute Cour de justice en cas de violation du serment ou de haute trahison (article 136). Les prescriptions de la Constitution s’imposent aux normes inférieures.