Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, député et vice-président de l’Assemblée Transitoire, défend les critères d’éligibilité proposés pour la présidence du Gabon, en les comparant à ceux d’autres pays. Toutefois, ces critères, loin d’être simplement légitimes, peuvent s’avérer dangereux. Ils risquent de diviser la population gabonaise et de créer des tensions sociales, comme cela s’est déjà produit dans plusieurs pays africains, provoquant des crises meurtrières.
L’un des critères défendus par M. Makosso est que le candidat à la présidence doit être né de parents gabonais eux-mêmes nés gabonais. Ce type de critère nationaliste et exclusif a provoqué de graves crises dans d’autres pays africains. En Côte d’Ivoire, par exemple, la « loi sur l’ivoirité », qui stipulait que seuls les citoyens nés de parents eux-mêmes ivoiriens pouvaient prétendre à la présidence, a été un facteur déclencheur de la guerre civile entre 2002 et 2007. Cette disposition a exacerbé les tensions ethniques et divisé le pays en deux camps, avec des milliers de morts et une instabilité qui a perduré durant des années. La leçon de la Côte d’Ivoire est claire : de telles restrictions peuvent engendrer une marginalisation ethnique et des conflits violents.
L’exigence selon laquelle le président doit avoir une épouse gabonaise née de parents gabonais, soutenue par M. Makosso, est non seulement discriminatoire, mais elle peut aussi être un vecteur de division sociale. Ce type de critère pourrait exacerber le rejet des mariages interethniques ou internationaux, conduisant à des frustrations au sein de la population. Bien que cela n’ait pas encore causé de crise meurtrière majeure en Afrique, des restrictions sur les choix matrimoniaux des candidats à la présidence pourraient accentuer le sentiment d’injustice, surtout dans un pays comme le Gabon, où les relations entre citoyens et communautés issues de diverses origines sont sensibles. La stigmatisation pourrait créer un fossé croissant entre les élites et la population, et alimenter une opposition violente à l’exclusion d’une partie des citoyens.
Le plafond d’âge pour la candidature à la présidence fixé à 70 ans, tel que proposé par M. Makosso, peut également être dangereux s’il est appliqué sans flexibilité. Bien qu’il soit en place dans plusieurs pays, comme le Sénégal et le Tchad, d’autres nations africaines ont choisi de ne pas l’appliquer strictement, comme la Guinée et le Cameroun. L’enlèvement des restrictions d’âge a parfois conduit à la perpétuation des régimes autoritaires, mais la fixation rigide d’un plafond d’âge peut aussi être utilisée par des régimes pour écarter des candidats adverses, créant des conflits internes et des tensions politiques.
En Guinée, la modification des critères d’âge et de durée de mandat par le président Alpha Condé en 2020 a déclenché des manifestations violentes, causant la mort de dizaines de citoyens et plongeant le pays dans une profonde crise politique. Les restrictions d’âge doivent donc être gérées avec prudence pour éviter de servir de prétexte à des manipulations politiques, lesquelles risquent de provoquer des soulèvements populaires.
M. Makosso justifie la durée de 7 ans pour un mandat présidentiel en s’appuyant sur les conclusions du Dialogue National Inclusif. Cependant, les mandats présidentiels de longue durée en Afrique ont souvent été associés à des contestations violentes, voire à des coups d’État. Le Togo, avec des mandats de longue durée pour ses présidents, a connu de nombreuses manifestations et des répressions sanglantes. En 2005, après la mort du président Gnassingbé Eyadéma, des violences post-électorales ont éclaté, causant la mort de plusieurs centaines de personnes. De même, en RDC, la contestation de la prolongation du mandat de Joseph Kabila a conduit à une violente répression, avec des centaines de morts entre 2016 et 2018.
Prolonger un mandat présidentiel à 7 ans sans réel mécanisme de contrôle et de renouvellement démocratique peut conduire à la concentration excessive du pouvoir et nourrir des frustrations qui, si elles ne sont pas entendues, risquent de se transformer en violences.
Les critères évoqués par M. Makosso, bien qu’ils puissent sembler justifiés sur le papier, présentent un danger réel pour l’unité et la stabilité du Gabon. Le Gabon, comme beaucoup d’autres pays africains, est composé de différentes ethnies et communautés aux aspirations diverses. Imposer des restrictions strictes, que ce soit en termes de nationalité, de mariage ou d’âge, peut accentuer les divisions au sein de la société et conduire à une montée des tensions, comme l’ont montré les exemples ivoirien, togolais et guinéen.
Les critères d’éligibilité à la présidence proposés par Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, loin d’être de simples mesures techniques, peuvent devenir des outils dangereux de division et de manipulation politique. Les exemples de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, et du Togo montrent que des critères trop rigides peuvent provoquer des crises meurtrières. Le Gabon, en redéfinissant sa Constitution, doit éviter de reproduire les erreurs du passé et s’assurer que les critères d’éligibilité reflètent un esprit d’inclusion, de justice et d’unité nationale. Seul un système démocratique ouvert et inclusif, respectueux des diverses composantes de la société gabonaise, pourra garantir une stabilité durable et éviter les conflits.