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Le Gabon vient de vivre ce 30 avril 2025 une investiture sans précédent. Dans une atmosphère de renouveau national, Brice Clotaire Oligui Nguema a officiellement été investi président de la Transition, devant un parterre de chefs d’État africains et une foule gabonaise en liesse. Une cérémonie réussie, symbolique, et saluée à travers le continent. Mais une absence majeure a jeté une ombre sur l’événement : celle de la France.
Ni le président Emmanuel Macron, ni son premier ministre, ni son ministre des Affaires étrangères, ni aucun représentant officiel de taille n’ont fait le déplacement à Libreville. Un silence diplomatique assourdissant, d’autant plus incompréhensible que Paris n’avait pas hésité à manifester une certaine bienveillance envers le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) dès les premières heures du renversement d’Ali Bongo.
Cette absence interroge. Après avoir prudemment salué la transition au Gabon, Paris semble aujourd’hui prendre ses distances au moment même où cette transition entre dans une phase de légitimation. Ce retournement, ou du moins ce retrait stratégique, conforte l’idée d’un double langage diplomatique dont les conséquences pourraient s’avérer lourdes.
Car le peuple gabonais, lui, a tourné la page. Massivement mobilisé pour assister à cette investiture, il a exprimé clairement son soutien au nouveau pouvoir et son rejet du système Bongo. Loin d’être un simple événement protocolaire, la cérémonie d’investiture s’est transformée en démonstration de rupture et d’unité nationale. Ignorer cet élan populaire revient à ignorer la réalité politique du Gabon d’aujourd’hui.
L’absence française intervient dans un contexte régional particulièrement sensible, où l’image de la France est en déclin rapide. Déjà contestée au Sahel, critiquée pour son paternalisme et son ingérence perçue, Paris semble incapable de se positionner clairement face aux mutations politiques africaines. Tantôt hostile, tantôt conciliante, la diplomatie française donne l’impression de naviguer à vue.

En refusant de s’associer à un événement aussi symbolique que l’investiture d’un chef d’État de transition soutenu par son peuple, la France court le risque d’être perçue comme incohérente, voire méprisante. Ce choix, au-delà de ses raisons stratégiques, peut être interprété comme un désaveu implicite à l’égard des nouvelles autorités gabonaises – et, par ricochet, du peuple lui-même.
Les conséquences de cette attitude ne sont pas anodines. À Libreville comme ailleurs en Afrique francophone, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer une diplomatie française jugée arrogante, hésitante et déconnectée des aspirations populaires. Ce nouveau geste pourrait renforcer ce sentiment et accélérer la prise de distance entre les peuples africains et l’ancienne puissance coloniale.
La France, qui prétend toujours être un partenaire privilégié de l’Afrique, semble pourtant manquer une à une les occasions de le prouver.
L’investiture de Brice Clotaire Oligui Nguema aurait pu être l’occasion pour Paris de montrer qu’elle sait s’adapter à un nouveau paysage africain en mutation. Au lieu de cela, elle a choisi l’abstention, au risque d’être reléguée au rang de spectatrice amère. Un rendez-vous manqué, qui pourrait bien marquer une rupture durable entre la France et un Gabon désormais décidé à écrire son avenir sans tutelle.