Le malheur de Billie-By-Nze : un homme ayant saccagé un pays peut-il encore prodiguer des conseils ?

Dans un Gabon en pleine turbulence politique, les voix s’élèvent pour dénoncer les manœuvres présumées du général Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition, qui semblent vouloir écarter une frange significative de candidats potentiels à la prochaine élection présidentielle. Parmi ces voix, celle d’Alain Claude Billie-By-Nze, l’ancien Premier ministre du régime d’Ali Bongo, se fait entendre avec force. Cependant, c’est un cri dans le vide, une parole sans écho, car celui qui l’émet est, à bien des égards, un symbole de la déliquescence de l’État gabonais.

Le message de Billie-By-Nze est, sur le fond, empreint de bon sens. Il s’élève contre une logique d’exclusion qui, sous couvert de « santé parfaite », fait des victimes parmi les Gabonais. Les critères absurdes qu’il évoque — exclure les muets, les plus de 70 ans et les moins de 35 ans — semblent transformer la politique en une farce. Comment peut-on sérieusement affirmer qu’un jeune de 35 ans serait plus apte à diriger un pays qu’un sage de 70 ans ? Cette absurdité met en lumière une dérive où la volonté populaire est systématiquement déformée, où les véritables concurrents sont écartés pour préserver le pouvoir suprême.

Cependant, malgré la pertinence de ses critiques, le poids du passé pèse lourdement sur Billie-By-Nze. Comment peut-on lui accorder du crédit alors qu’il a, lui-même, été complice d’un système qui a contribué à la dégradation du Gabon ? En permettant aux étrangers de piller sans vergogne, en acceptant que Sylvia Bongo et son fils exercent le pouvoir en toute impunité, il a façonné une réalité dont il se trouve maintenant le témoin désabusé.

Le Gabonais a souffert pendant près de 60 ans sous un régime despote, caractérisé par le clanisme, le vol, la corruption et des crimes financiers. Dans ce contexte, le message de Billie-By-Nze, bien que légitime, est perçu comme hypocrite. Pour beaucoup, il incarne une trahison, un homme qui a sacrifié le bien-être de son peuple pour des intérêts personnels. La sagesse des paroles s’éteint face à la qualité de celui qui les prononce. Les Gabonais, usés par des décennies de manipulation, ne sont pas enclins à écouter un ancien fidèle d’un régime qui a trahi leur confiance. Leurs espoirs de changement sont entachés par l’ombre de ceux qui ont précédé, et Billie-By-Nze se trouve sur un terrain glissant, condamné à voir son message se perdre dans les limbes de l’indifférence collective.

Il est indéniable que le Gabon fait face à des défis colossaux. Les avertissements de Billie-By-Nze pourraient, s’ils étaient émis par un autre, résonner comme un appel à l’unité contre un système oppressif. Mais ici, la figure du messager est trop encombrante. Le Gabonais préfère s’en remettre à la sagesse populaire plutôt qu’à celle d’un homme qui, à un moment crucial, a choisi de se taire et de laisser le pouvoir entre des mains peu recommandables. Dans cette lutte pour l’avenir du pays, il est crucial que les voix qui s’élèvent soient à la fois justes et authentiques. Le Gabon a besoin de leaders qui portent un message de vérité et de rédemption, non pas des protagonistes d’un passé qu’il souhaite ardemment oublier. L’histoire a ses propres lois, et parfois, elle a le pouvoir d’aplatir même les messages les plus sincères.

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