Garde à vue prolongée, dossiers gelés : quand l’État punit les innocents

Depuis le 13 janvier 2025, la Justice gabonaise est paralysée par une grève générale illimitée des magistrats et des greffiers, plongeant le pays dans un chaos judiciaire sans précédent. Cette situation met en lumière les carences d’un système déjà fragile, mais surtout, elle révèle l’immobilisme inquiétant du ministère de la Justice face à des revendications légitimes.

La grève actuelle a des répercussions profondes, non seulement sur les justiciables, mais aussi sur l’ensemble du fonctionnement de l’État. La suspension quasi-totale des activités judiciaires entraîne des dépassements de délais de garde à vue, bafouant ainsi les droits fondamentaux des détenus. L’absence de jugements retarde la libération des prévenus ou l’aménagement de peines, exacerbant une surpopulation carcérale déjà critique. L’établissement des casiers judiciaires, une procédure indispensable pour de nombreuses démarches, prend désormais plusieurs jours, paralysant ainsi des pans entiers de la vie sociale et économique. Les tribunaux, désertés par les magistrats et greffiers, ne peuvent plus régler les litiges entre particuliers, renforçant les tensions sociales.

Les tribunaux, désertés par les magistrats et greffiers, ne peuvent plus régler les litiges entre particuliers, renforçant les tensions sociales.

Face à cette situation, l’attitude du ministère de la Justice est déconcertante. Depuis plus d’un an, les magistrats réclament l’application des décrets nécessaires à la mise en œuvre de leur statut, pourtant promulgué en 2023. Malgré un délai expiré depuis le 13 décembre 2024, aucune mesure concrète n’a été prise pour répondre aux revendications des professionnels de la justice.

Cette inertie ministérielle est d’autant plus scandaleuse qu’elle met en péril la lutte contre la corruption et la quête d’une véritable indépendance judiciaire, pourtant érigées en priorités par les autorités de transition.

Le ministère de la Justice, garant de l’ordre juridique et social, ne peut plus se permettre de tergiverser. Il est impératif d’ouvrir sans délai des négociations sérieuses avec le Syndicat national des magistrats (SYNAMAG) et les greffiers. SOS Prisonniers Gabon appelle à des solutions concrètes et rapides pour finaliser les décrets d’application du statut des magistrats et garantir leur indépendance et des conditions de travail décentes, ainsi que pour adopter un statut particulier pour les greffiers, accompagné de mesures telles que le reclassement et la fourniture des équipements nécessaires.

Le blocage actuel ne profite à personne, mais il détruit la confiance des citoyens dans leur système judiciaire et menace la stabilité de notre pays.

La crise actuelle rappelle que la justice n’est pas un luxe, mais un pilier essentiel d’une société équitable et souveraine. En ignorant les revendications des magistrats et des greffiers, le ministère de la Justice envoie un message alarmant : celui d’un désintérêt pour les droits des citoyens et l’état de droit.

La balle est désormais dans le camp des autorités. Il est temps d’agir, non pas avec des promesses, mais avec des actes, pour redonner à notre justice son rôle fondamental : celui de protéger et de servir le peuple.
 
 Source : SOS Prisonnier

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