Gabon libéré : la vérité sans dérobade – entretien choc avec Alain Gauthier Mvomo

Bonjour, Monsieur Alain Gauthier Mvomo. Le Gabon a récemment connu un tournant historique avec la chute du régime des Bongo. Cette période sombre de près de 60 ans, marquée par la tyrannie d’une famille, le pillage des richesses du peuple, l’oppression, et l’abandon du pays aux mains d’étrangers, semble enfin se refermer avec l’espoir d’un nouveau Gabon incarné par le président Oligui Nguema. Dans cette émancipation nationale, quelle a été la contribution des activistes à la chute du régime d’Ali Bongo ?

Avant de répondre à votre question, permettez-moi de vous remercier de l’opportunité que vous m’offrez par l’aval de votre journal très estimé, afin de partager mon opinion sur cette émancipation nationale, pour reprendre vos termes, aujourd’hui.

Tout d’abord, il convient de reconnaître que les activistes ont été en première ligne de ce combat, par leur constance et leur persévérance dans leurs revendications aux côtés des Gabonais, ainsi que par leur détermination à déloger le régime d’Ali Bongo. À travers des manifestations, des colloques internationaux, des rassemblements de protestation, et leur mobilisation sur les réseaux sociaux et sur le terrain, ils ont joué un rôle crucial. Cette constance a grandement terni l’image de l’ancien régime, attirant l’attention de la communauté internationale sur la situation au pays et ralliant le soutien de la population, qui a fait des activistes ses porte-étendards et porte-paroles. C’est cette légitimité que la population a conférée aux activistes qui en a fait de puissants défenseurs du peuple et des interlocuteurs reconnus tant au niveau international que national.

Après cette libération, quelle place vous a-t-on accordée, sachant que vous méritez de participer à l’édification du nouveau Gabon ?

Même si votre question mérite qu’on soulève deux équivoques avant d’y répondre, je vais aborder la question avec franchise. La place qui m’a été accordée est celle de l’accompagnateur éternel, utilisé comme passerelle pour des ambitions individuelles, et souvent relégué au second plan lorsque les choses se stabilisent. En résumé, c’est la place du « bon petit » des puissants, utilisé quand il faut semer mais mis de côté quand il faut récolter. En termes plus simples, je me sens relégué à l’arrière-plan, malgré ma volonté et mon mérite à contribuer à la construction du nouveau Gabon.

Parlons à présent du Dialogue national en cours. Lancé il y a une semaine, quelles sont vos attentes suite à cette importante rencontre, en tant que défenseur des libertés et partisan du régime actuel ?

Tout d’abord, je souhaite adresser mes meilleurs vœux à ceux qui ont été choisis pour participer à cette grande rencontre citoyenne, ceux-là même qui ont promis de protéger les intérêts des Gabonais, leurs aspirations et leur bien-être tout au long du combat pour la liberté. En ce qui concerne mes attentes, elles sont multiples et incluent le respect de la charte du dialogue, la prise en compte des propositions du peuple souverain, l’élaboration d’une constitution solide, la protection de la nationalité gabonaise, le partage équitable des richesses nationales, la décentralisation du pouvoir, la revitalisation de notre économie dans tous ses aspects, l’ouverture à des débats contradictoires pour une véritable démocratisation du pays, la promotion de la gabonisation dans certains secteurs de notre économie, ainsi que l’amélioration des services publics tels que l’éducation, la santé et les infrastructures. En résumé, je souhaite que le Gabon devienne enfin une véritable république, et non seulement un État.

De nombreux secteurs sociaux expriment leur mécontentement de ne pas avoir été conviés à ce grand rendez-vous où se dessine le nouveau Gabon. Les chômeurs, par exemple, ou encore la presse, considérée comme le quatrième pouvoir, sont absents. Quelle est votre opinion concernant cette omission ?

Avant de répondre à votre question, il est important d’évaluer les contextes et les besoins. En ce qui concerne les contextes, le dialogue national se tient dans un contexte très difficile, marqué par des divisions entre ceux qui ont servi l’ancien régime et ceux qui l’ont combattu, ainsi que par les attentes divergentes de la population. Concernant les besoins, plusieurs facteurs comme le nombre de participants, le budget alloué, la préparation et les thèmes à aborder doivent être pris en compte pour assurer le succès de cette initiative. Cependant, sur le plan organisationnel, il semble y avoir des défis à relever, notamment en ce qui concerne la capacité des locaux à accueillir tous les Gabonais, ainsi que les thèmes sensibles qui pourraient être abordés, comme les fraudes électorales, et les sanctions à l’encontre des responsables de ces actes répréhensibles. Dans ce contexte, l’absence de certains secteurs sociaux au dialogue peut être compréhensible, bien que cela puisse aussi être perçu comme une exclusion injuste. Pour ceux qui parlent d’exclusion de certaines voix autorisées dans ce dialogue, je ne les tiens pas rigueur puisqu’effectivement, l’absence de certaines personnalités politiques, telles que le président du parti ARENA MOULOMBA MOMBO Richard et le Mandela national Luc BEGONE NSI, est si flagrante que cette assertion a tout son sens. Elle se justifie également par le maintien en prison de certains compatriotes, tels que Kelly Ondo, Merlain Ella, Patrichi Tanaza, et bien d’autres, la liste est longue.

Aussi, nous pouvons noter dans le même élan la non-prise en compte des activistes locaux qui ont fait la fierté du combat pendant toutes ces années.

On observe une représentation plus importante des activistes de la diaspora par rapport à ceux résidant au Gabon. Quelles pourraient en être les raisons ?

Cette question a été abordée précédemment dans votre questionnaire. Il semble que cette représentation disproportionnée des activistes de la diaspora puisse être liée à des risques sécuritaires encourus par ceux qui résident au Gabon. Les personnes au pouvoir aujourd’hui étaient celles qui étaient présentes hier. Cette situation crée une certaine méfiance et incite peut-être les activistes locaux à la prudence dans leur engagement.

Un de vos confrères activistes a proféré des insultes à l’encontre du président Oligui en le qualifiant de manière péjorative. Aucun activiste local, notamment ceux qui soutiennent le président Oligui, n’a condamné cet acte répréhensible. Est-ce par solidarité envers les propos de cet activiste ou par crainte de lui ? Que pouvez-vous dire concernant l’indifférence affichée face à ce scandale ?

En ce qui me concerne, je ne suis pas fan des activistes de l’international en général, car je trouve qu’ils gueulent plus qu’ils n’agissent réellement ici, contrairement à nous autres. Cependant, je tiens à souligner qu’il y a certains activistes de la diaspora que j’apprécie. Concernant l’incident en question, je considère les insultes proférées à l’égard du président comme inacceptables, car elles ternissent l’image du Gabon. Bien que l’activiste en question se soit excusé, il est important de reconnaître que de tels comportements ne sont pas constructifs pour notre pays. En ce qui concerne l’absence de condamnation de la part des activistes locaux, y compris moi-même, je pense que cela peut être attribué à divers facteurs, y compris une certaine réticence à s’impliquer dans des querelles politiques stériles.

Pour conclure, auriez-vous un dernier mot à partager avec nous ?

Je voudrais dire à ceux qui se plaignent de ne pas avoir été inclus dans le dialogue national que ce n’est pas simplement le fait d’y participer qui importe, mais plutôt la préparation à la suite de ce dialogue, qui sera le véritable enjeu. Ce qui sortira de ces discussions devrait être notre principale préoccupation, plutôt que de se focaliser sur ceux qui ont été invités ou non. Nous devons nous concentrer sur la construction d’un Gabon meilleur pour tous, en mettant de côté nos différences et en travaillant ensemble pour le bien de notre nation.

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