Une tempête de controverses ébranle actuellement le paysage artistique gabonais, en raison d’un concert prévu ce mercredi à Makokou, la capitale provinciale de l’Ogooué-Ivindo. Le public assiste à un affrontement tumultueux entre les artistes locaux et les organisateurs de cet événement, soutenu financièrement et encouragé par le chef de l’État. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer la célèbre chanteuse Katia Muniandzi G6, porte-parole du collectif des artistes de l’Ogooué-Ivindo, qui nous a accordé un entretien dans le dessein d’éclairer l’opinion publique sur les raisons ayant motivé le refus des artistes de cette province à participer à ce concert.
Des affiche numérique de sensibilisation contre le concert de Makokou avec effigie des artistes de l’ogoué-Ivindo
Bonjour madame. Un collectif dont vous êtes le porte-parole a décidé de boycotter le concert que le chef de la transition a prévu d’organiser mercredi 20 mars. Quels sont réellement les motifs de ce boycott ?
Réponse : Je ne sais pas ce que vous appelez boycott. Mais ce que je sais c’est que les membres de notre collectif et moi-même avons décidé de ne plus prendre part au concert puisque nous n’avions pas trouvé un terrain d’entente avec les promoteurs.
Certains évoquent plutôt le tribalisme. La véritable raison de votre mécontentement serait-elle que vous ne souhaitez pas la participation d’artistes venant d’autres provinces du Gabon à cet événement ?
Réponse : Le mot tribalisme est tout sauf ogivin s’il vous plaît. Si Haoussa est devenu une ethnie du Gabon, c’est parce que les ogivins ont été les premiers à l’accepter. Nous n’avons jamais refusé la participation de nos frères et sœurs des autres provinces qui sont des artistes comme nous. Au contraire, nous souhaitions juste que la fête soit plus belle avec une belle parité entre les locaux qui sont sensés recevoir et nos hôtes. Sauf qu’on nous a proposé de faire un choix d’une quinzaine d’artistes du collectif alors que nous étions déjà 25 à avoir écrit, composé et chanté une chanson de bienvenue au Chef de l’État.
Le collectif des artiste de l’Ogooué-Ivindo
La délégation des artistes qui doivent monter sur scène est déjà sur place. Est-ce que votre directive a été respectée ?
Réponse : De quelle directive parle-t-on ? Si vous avez bien suivi notre vidéo ensuite déclinée dans quatre des ethnies les plus parlées de notre province, vous verrez que nous adressons un simple message à notre public pour leur dire que nous ne serons pas de la partie en leur donnant de manière très sommaire les raisons de notre désistement à la dernière minute. Les artistes ne sont rien sans leur public, il était de notre devoir de leur expliquer la situation afin d’éviter de mauvaises interprétations simplement.
Vous demandez l’inclusion d’artistes locaux dans l’organisation, alors que le président a confié la responsabilité de la gestion de ce concert à une personne non originaire de votre province. Pourquoi critiquez-vous cette décision, sachant que le président est libre de collaborer avec qui il veut ?
Réponse : Nous ne critiquons nullement la décision du Président de la Transition. Nous avons simplement été surpris de constater que dans le Woleu-Ntem, c’est à un fils de la province qu’est revenu la charge de l’organisation et que dans notre province ce n’était pas le cas. Au début on a eu l’impression d’être des gamins irresponsables qui avaient encore besoin d’être guidés par les autres, alors que nous en sommes capables. Après plusieurs discussions, on a accepté que c’était la volonté de ‘là-haut de le faire ainsi, mais avons juste demandé à être impliqués dans l’organisation, car un proverbe ogivin dit ‘Ce n’est pas l’invité qui te montre le chemin de ta propre maison, c’est à toi de lui faire le tour du propriétaire. C’est à croire que les ogivins sont condamnés à se faire marcher dessus toute leur vie finalement.
Vous n’êtes pas les organisateurs. Vous participez simplement en tant qu’artistes, comme n’importe quel artiste venant de n’importe quelle région du Gabon, a expliqué Bung Pinze.
Réponse : C’est justement là tout le problème. Si c’était un concert du promoteur Bung Pinz comme ils avaient essayé de nous le faire comprendre au début, bah il aurait été libre de louer une salle de spectacle dans Makokou à sa guise et d’y faire participer les artistes de son choix. Mais ici il est question d’un concert lié à la tournée républicaine du Chef de l’état dans le G6. Le premier homme du pays vient pour écouter et tenter de régler les problèmes du G6 et de sa population. Vous conviendrez avec moi que les premiers concernés sont les ogivins. Et parmi les problèmes des ogivins, il y a la culture. Nous pensons qu’il est légitime que la culture qui doit être visible en premier dans étape de la tournée est celle du G6 qui est tellement vaste et variée. Est-ce trop demander ?
Qu’espérez-vous accomplir à travers ce boycott ?
Réponse : Pour rappel, ce n’est pas du tout un boycott. Nous avons tenu à montrer au monde que les ogivins aussi savent se faire entendre pour défendre leurs intérêts. C’est un acte de solidarité qui était pour nous plus important que les cachets. Il est question de dignité ici. Pendant longtemps, les gens nous ont divisés pour mieux régner, mais ça c’était avant. Nous serons dorénavant plus que jamais solidaires pour défendre nos intérêts collectifs et imposer le respect et la dignité ogivine.
Pour mettre fin à notre entretien, dites-nous au fond de vous, si vous souhaitez que ce concert soit un flop, du fait de votre absence, vous et votre collectif ?
Réponse : En toute franchise, c’est juste la déception de ne pas communier avec notre public de la première heure qui nous habite tous. Mais en réalité, nous espérons qu’avec ou sans nous, il y aura du spectacle, car ce sont tout de même des grosses pointures de la musique et de l’humour qui vont se produire à Makokou. Nous aurions aimé être là pour guider et épauler nos frères et sœurs chez nous, mais on sait qu’ils ont l’habitude. Ils vont déchirer, on le sait et c’est tout le mal qu’on leur souhaite. Nous prions Dieu tout puissant pour que tout se passe bien et que chacun rentre sainement chez soi. Nous savons que le peuple ogivin est très hospitalier, donc sommes confiants qu’ils seront très bien reçus.
Cette entrevue avec Katia Muniandzi G6 met en lumière les motivations derrière le refus des artistes de l’Ogooué-Ivindo de participer au concert prévu à Makokou. Elle clarifie que leur démarche n’est pas un simple boycott, mais plutôt un acte de solidarité visant à défendre leur dignité et à promouvoir leurs intérêts collectifs. Malgré leur absence, ils expriment leur soutien aux artistes présents et espèrent que le spectacle sera une réussite. Cette situation souligne l’importance de la représentation culturelle locale dans les événements nationaux et met en évidence les défis auxquels sont confrontés les artistes dans la promotion de leur héritage artistique et identitaire.