Le silence académique et les choix douteux de collaborateurs menacent l’avenir du pays
Dans une déclaration aussi percutante que lucide, Alfred Nguia Banda, figure politique gabonaise en exil, tire la sonnette d’alarme face à la proposition controversée du Dialogue national inclusif de remplacer le régime parlementaire dualiste par un régime présidentiel. Pour Nguia Banda, cette réforme, loin d’être une panacée, pourrait au contraire précipiter le Gabon dans une impasse institutionnelle, inadaptée aux réalités sociologiques et culturelles du pays.
Nguia Banda met en lumière une symétrie nécessaire entre le régime politique d’un État et les mentalités de ses populations, une symétrie qu’il estime avoir été largement ignorée par les architectes du Dialogue national. « Adopter un régime présidentiel implique des mécanismes rigides, comme l’inamovibilité du vice-président, qui risquent de heurter la culture politique locale », avertit-il. En rappelant l’échec du régime présidentiel sous la Constitution gabonaise de 1961, Nguia Banda souligne les dangers d’une réforme précipitée et mal pensée.
Ce n’est pas tout. L’homme accuse également les universitaires ayant participé au Dialogue national de manquer de rigueur académique et de probité morale, des lacunes qui, selon lui, risquent de miner les fondements mêmes de la démocratie gabonaise. « Comment peut-on espérer construire un avenir démocratique solide sur des bases aussi fragiles et corrompues ? » s’interroge-t-il, pointant du doigt une élite intellectuelle qu’il juge défaillante.
Sur le plan de l’éthique politique, Nguia Banda aborde la question cruciale des collaborateurs du chef de l’État. Il fait une distinction nette entre deux catégories : ceux qui, par leur compétence et leur loyauté, forment le socle du pouvoir, et ceux qui, par leur flatterie et leur opportunisme, ne sont que des courtisans prêts à trahir à la moindre occasion. Cette distinction, selon lui, est capitale dans le contexte actuel de la transition. Le récent mécontentement exprimé par le président Oligui Nguema à Tchibanga, face à l’inaction de ses collaborateurs, ne fait que renforcer l’argument de Nguia Banda sur les dangers d’un mauvais casting politique.
Mais l’analyse de Nguia Banda ne s’arrête pas là. Il explore la question de l’unité nationale dans un État multiethnique comme le Gabon, proposant des réformes électorales audacieuses pour transcender les clivages ethniques et régionaux. Parmi celles-ci, l’introduction d’une représentation proportionnelle approchée aux élections locales et l’obligation pour les partis politiques de présenter des candidats issus d’autres provinces. Des propositions qui, bien que pertinentes, pourraient rencontrer une forte résistance, tant elles nécessitent un véritable changement des mentalités.
Enfin, l’exilé politique aborde la question des nominations dans la haute administration, plaidant pour que la compétence et l’expérience soient les critères primordiaux, et non l’appartenance géo-ethnique. Il dénonce la « géopolitique anachronique » qui a affaibli les performances politiques et administratives du pays, appelant à une rupture nette avec ces pratiques.
Dans cette prise de position, Alfred Nguia Banda ne se contente pas de critiquer ; il appelle à une profonde réflexion sur les fondements mêmes de la gouvernance au Gabon. Sa mise en garde contre une réforme présidentielle inadaptée et sa dénonciation de la médiocrité académique et morale de certains acteurs du Dialogue national doivent résonner comme un appel à la vigilance pour tous ceux qui croient encore en un avenir démocratique pour le Gabon. Le chemin vers une véritable transition est semé d’embûches, et il appartient à chaque citoyen, chaque leader, de faire les choix qui permettront de préserver l’unité et la souveraineté du pays.