Le Gabon traverse une période de transition qui suscite l’espoir d’un renouveau, d’une justice sociale et d’une véritable inclusion des populations les plus vulnérables. Au cœur de ces aspirations, le projet des 417 taxis du CTRI semblait être une lueur d’espoir pour de nombreux jeunes Gabonais en quête d’une stabilité économique. Pourtant, à y regarder de plus près, cet espoir pourrait bien se transformer en une nouvelle désillusion.
L’idée derrière ce projet était claire : nationaliser l’activité des taxis et offrir aux jeunes Gabonais une opportunité de créer leur propre emploi, tout en contribuant à la lutte contre le chômage. Pour bénéficier de l’un de ces taxis, les critères sont simples en apparence : avoir la nationalité gabonaise, être âgé de 21 à 60 ans, posséder un permis de conduire de catégorie B, C ou D, et déposer une caution de 1,1 million de FCFA.
Mais derrière ces critères apparemment accessibles, se cache une réalité bien différente. Comment un jeune Gabonais, qui peine déjà à joindre les deux bouts, pourrait-il rassembler une telle somme ? Comment demander à une famille qui survit avec moins de 1 000 FCFA par jour de trouver plus d’un million de FCFA pour un projet censé les aider à sortir de la pauvreté ?
En imposant une caution aussi élevée, ce projet, qui se voulait un levier d’inclusion, exclut de facto la grande majorité des jeunes Gabonais qu’il était censé aider. Le résultat est tristement prévisible : seuls ceux issus de familles fortunées pourront se permettre de déposer cette caution et ainsi bénéficier de l’opportunité offerte par ce projet. Les jeunes des familles modestes, ceux-là mêmes qui devraient être les premiers bénéficiaires, se retrouvent une fois de plus exclus, regardant de loin les privilégiés s’approprier une initiative qui leur était pourtant destinée.
Ce scénario rappelle douloureusement les pratiques du régime despotique de la famille Bongo, où des projets soi-disant destinés aux pauvres ne bénéficiaient qu’aux riches. À l’époque, le slogan officieux était « Tout pour nous, rien pour vous ». Avec ce projet de taxis, le gouvernement de transition risque de reproduire les mêmes erreurs, en perpétuant une inégalité sociale qui a longtemps gangréné notre pays.
Le Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, doit être conscient de la dérive potentielle de ce projet. L’histoire récente nous a montré les dangers d’une gestion publique qui favorise les privilégiés au détriment des plus vulnérables. Si la transition aspire réellement à incarner le changement et à réparer les injustices du passé, elle doit commencer par tenir ses promesses envers ceux qui en ont le plus besoin.
Le Gabon ne peut se permettre de répéter les erreurs qui ont conduit à la frustration et à la colère de son peuple. Le projet des 417 taxis doit être révisé pour véritablement inclure ceux qu’il prétend aider. Sans cela, les nouvelles autorités risquent de tomber dans les mêmes travers que ceux du régime précédent, avec des conséquences désastreuses pour la cohésion sociale et la confiance des citoyens en leur gouvernement.
Le temps est venu de démontrer que la transition est réellement du côté des plus démunis. Le Gabon mérite mieux que de vaines promesses. Il mérite des actions concrètes, justes et inclusives.