L’heure de la désobéissance civile ? Le peuple invité à briser le silence pour Kelly

Au moment où le Gabon entre pleinement dans la Cinquième République, une affaire judiciaire continue de susciter l’indignation d’une partie de l’opinion publique : celle du lieutenant Kelly Ondo Obiang. Condamné à 15 ans de réclusion pour le putsch manqué du 7 janvier 2019, cet ancien officier de la Garde républicaine demeure derrière les barreaux, alors même que plusieurs détenus, certains poursuivis pour des faits de corruption massive ont bénéficié d’une liberté jugée choquante par de nombreux citoyens.

Si le président Brice Clotaire Oligui Nguema, a déclaré être « bloqué par la loi » dans le cas de Kelly Ondo, cette justification semble désormais difficile à soutenir au regard des récentes exfiltrations. Sylvia Bongo et son fils Noureddine, incarcérés dans le cadre des procédures engagées après la chute du régime Bongo, ont été discrètement transférés hors du pays, via l’Angola, avant de rejoindre le Royaume-Uni. En parallèle, la rumeur d’une libération prochaine des fils Océni, poursuivis pour des crimes économiques, alimente un sentiment d’injustice à géométrie variable.

Dans ce climat tendu, des voix se lèvent. Bob Mengome, plus connu sous le pseudonyme « Matricule 212 », reste l’un des rares activistes à revendiquer de manière constante la libération du lieutenant Kelly Ondo. Candidat déclaré à la mort, comme il aime à se qualifier lui-même, il a fait de cette cause un combat personnel, allant jusqu’à donner à son fils le prénom « Kelly », en hommage au détenu.

Mais le tournant inattendu est venu d’un autre visage bien connu du public : Éric Otsétsé. Figure proche du pouvoir et bénéficiaire notoire de ses largesses, l’activiste a créé la surprise en appelant la population à descendre dans la rue pour exiger la libération de Kelly Ondo. Dans une déclaration virulente, il a directement mis en cause la passivité des Gabonais, estimant qu’ils sont eux-mêmes responsables de leur malheur en acceptant sans réaction des décisions jugées iniques.

La sortie d’Otsétsé, aussi spectaculaire que risquée, suscite des interrogations. S’agit-il d’un véritable revirement dicté par une prise de conscience ? Ou d’une opération de communication orchestrée depuis les hautes sphères pour sonder ou contenir la colère populaire ? Les avis sont partagés, mais une chose est sûre : l’affaire Kelly Ondo est en train de redevenir un symbole de la fracture entre les promesses de justice équitable et les réalités d’un système encore marqué par les logiques de privilèges et d’impunité.

Alors que le pouvoir affirme vouloir bâtir un nouvel État, la pression monte. L’opinion attend des gestes forts, cohérents et justes. Et dans ce contexte, la détention prolongée de Kelly Ondo, face aux libérations successives de figures controversées de l’ancien régime, apparaît de plus en plus comme une anomalie politique et judiciaire.

Reste à savoir si l’appel à la rue lancé par Éric Otsétsé trouvera un écho. Mais une chose semble désormais acquise : la société civile ne veut plus rester spectatrice.


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