Un collectif d’artistes gabonais a porté plainte contre le Bureau Gabonais des Droits d’Auteur (BUGADA) à qui il reproche de ne pas respecter ses engagements et de se ‘’sucrer’’ sur le dos des artistes. Pour Norbert EPANDJA, ce procès est complot qui vise à fermer le BUGADA comme cela venait d’être le cas de l’Agence National de Promotion Artistique et Culturelle (ANPAC).
Dans une diatribe adressée à cet effet à l’ensemble des artistes gabonais, Norbert EPANDJA fustige également le comportement de ceux qui disent aujourd’hui que le BUGADA a été créé par Ali BONGO et vont même jusqu’à lui lancer des lauriers alors que ce dernier selon lui est responsable des mots qui minent le secteur de la Culture gabonaise et empêche aux artistes d’exercer pleinement leurs métiers depuis qu’il est à la tête du pays.
Le contenu :
‘’ Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Je voudrais d’abord m’acquitter d’un devoir, celui de vous remercier et vous féliciter pour la nouvelle dynamique que vous êtes en train d’insuffler au sein de notre communauté qui a désormais intérêt à se constituer en un véritable pouvoir, en vue d’établir un puissant rapport de force capable de mener des actions concertées visant à forcer le respect et l’application de nos droits, et à améliorer la condition sociale de l’artiste gabonais qui n’a que trop souffert de l’oppression et de la marginalisation.
Nos ancêtres ont dit que, lorsque des étrangers prennent le contrôle de votre village et décident de le tuer, c’est par la Culture et les artistes qu’ils commencent. Ce parce que la Culture est l’ensemble des valeurs identitaires qui fondent un peuple, et les artistes les gardiens de ces valeurs identitaires. C’est donc aux artistes qu’il revient de délivrer le village quand il est occupé par des étrangers.
Mes chers collègues, en parcourant nos différents forums, je suis tombé sur une publication qui fait le compte rendu des démarches entreprises par des individus, pour, disent-ils, obtenir le paiement des droits d’auteur aux artistes, d’une part, et pour conduire une plainte contre le BUGADA et les sociétés de téléphonie mobile, d’autre part.
Je me serais contenté, comme d’autres, de prendre acte de toutes ces initiatives, quand bien même je ne les partagerais pas, estimant que nous sommes dans un monde libre où chacun a le droit de faire ce que bon lui semble, mais dans cette publication et leur démarche, deux choses me gênent :
La première : ils affirment que c’est le Président de la République qui a mis en place le BUGADA ;
La seconde : ils agissent au nom de toute la communauté artistique sans mandat explicite ou implicite de celle-ci. D’où ma présente lettre ouverte.
Comme je l’ai écrit dans mon livre, le combat pour les droits d’auteur au Gabon n’est pas né de moi. Je l’ai hérité en 1987 au sortir de mon incarcération dans une cellule de la Documentation générale (CEDOC), et l’ai fait aboutir par la mise en place du BUGADA le 27 avril 2012 à la faveur d’une assemblée générale à laquelle avaient d’ailleurs pris part ces individus.
C’est vous dire mon étonnement, lorsque je les vois soutenir, par des écrits, que, je cite : « depuis la mise en place effective de la structure (le BUGADA) par le Président de la République en 2014 », alors que ce sont les artistes eux-mêmes qui ont mis en place le BUGADA, en s’inspirant des auteurs français qui, en 1851, avaient mis en place la SACEM.
Est-ce parce qu’un décret s’intitule « décret portant création du BUGADA », qu’il faut prétendre que cette structure a été mise en place par Ali BONGO ? Ou sont-ils, ces individus, atteints du syndrome de Stockholm ! Car, comment comprendre que des artistes gabonais censés dressent des lauriers à une personne comme Ali BONGO qui tue notre Culture et nous empêche d’exercer notre métier d’artiste depuis qu’il est à la tête de notre pays !
S’agissant de cette plainte ridicule contre le BUGADA, vous vous souviendrez que l’un de ces individus m’avait porté plainte au terme d’un lynchage médiatique basé sur des accusations de détournement d’argent dont il n’en a jamais prouvé l’existence. Et il n’a jamais, non plus, prouvé ces détournements d’argent par des documents comptables. Et ce qui était encore plus cruel dans sa cabale médiatique, c’est qu’il donnait aux téléspectateurs et aux auditeurs l’impression que le pouvoir d’Ali BONGO m’avait remis une somme d’argent pour le BUGADA que j’avais mise dans mes poches. Toute chose qui n’arrivera jamais.
Toujours est-il que nous sommes arrivés au Tribunal. Mais cette plainte n’a jamais prospéré, sans doute parce qu’il s’est rendu compte que faute de preuves celle-ci pouvait se retourner contre lui-même. Mais j’ai tout pardonné car je ne suis pas un rancunier. Cependant, je l’invite à mettre un terme à cette attitude qui consiste pour lui à toujours vouloir faire du mal aux personnes de son propre camp, alors que notre combat doit se faire contre ce régime qui nous opprime.
Qu’est-ce qui s’est passé en 2012 quand j’ai lancé les activités du BUGADA ?
Après l’adoption, le 25 février, des statuts créant la structure et après sa mise en place le 27 avril 2012, j’ai organisé une énième assemblée générale le 29 décembre 2012, dénommé « assemblée générale de lancement du BUGADA ». Mais où trouver de l’argent pour mettre en œuvre un tel projet ? Certains artistes ont proposé d’aller à la recherche des sponsors pour organiser des concerts. Mais à la fin de la réunion, c’est l’option d’aller percevoir des redevances auprès de quelques bars, boites de nuit et restaurants qui a été retenue et adoptée. C’est ainsi que la somme des redevances perçues nous a permis de louer des bureaux et d’obtenir de manière graduelle tous les outils qui m’ont permis de lancer la structure.
Qu’est devenu le matériel acheté ?
Lorsque le gouvernement a récupéré cette société, il n’a pensé ni à nous, ni à régler nos factures. Ce qui fait que nous avons eu plusieurs mois de loyer impayés. Et le propriétaire de l’immeuble ne s’est pas fait prier pour mettre la main sur nos affaires ? Quant au véhicule (d’occasion) que je tenais, il est tombé en panne, et les réparations étaient plus couteuses que le prix auquel il avait été acheté ; il a évidemment fini à la casse.
Mais retenez bien, mes chers collègues, que si je n’avais pas pris toutes ces initiatives courageuses, le BUGADA n’aurait jamais vu le jour. Parce qu’Ali BONGO, qui se voit aujourd’hui gratifié de quelques apologistes au sein de notre communauté dont il n’en a cure, n’a jamais eu l’intention de mettre en place les droits d’auteur au Gabon.
En voici quelques preuves :
1) Après la promulgation en 2006 des deux premiers textes d’application de la loi 1/87, notamment les décrets 452 et 453, l’Etat a inscrit dans la loi des finances une dotation budgétaire d’un montant de 30 millions destinée à la mise en place du BUGADA. Cette dotation budgétaire a été reconduite comme suit : 50 millions en 2007, 40 millions en 2008, 80 millions en 2009 et 150 millions en 2010. Total : 350 millions. Cet argent n’a jamais servi à la mise en place du BUGADA.
2) Ali BONGO est au pouvoir depuis 2009. Mais il n’a pensé aux droits d’auteur qu’en 2013, lorsqu’en apprenant que les artistes ont mis en place le BUGADA, il s’est empressé de prendre un décret (n°024 du 16 janvier 2013) portant création du BUGADA, en réalité pour empêcher cette société de fonctionner.
Par ailleurs, Ali BONGO a promis construire des musées, des conservatoires et des théâtres dans tout le pays. A ce jour, aucune de ces structures n’est sortie de terre.
Mes chers collègues, lorsqu’on prend une initiative aussi lourde de conséquences comme celle d’une plainte contre le BUGADA, une structure pour la mise en place de laquelle nous nous sommes battus pendant plus de 40 ans, au nom d’une communauté qui regroupe plusieurs centaines de personnes, il faut préalablement obtenir l’accord d’un échantillon représentatif de cette communauté. Or jusqu’ici, je n’ai pas vent d’une assemblée générale ayant réuni le SYA, l’AGAMI, le CAR, l’UDEG, les autres associations et les artistes indépendants, et adopté l’initiative d’une plainte contre le BUGADA.
Il n’est donc pas exclu que ces individus, auteurs de cette plainte, agissent dans le but d’aider nos ennemis à supprimer le BUGADA, comme ils les ont aidés à supprimer l’ANPAC. Par contre, si c’est la popularité et l’argent qu’ils recherchent, ce n’est que par le talent qu’ils peuvent avoir ces choses-là et non par la création d’associations artificielles, ethniques et familiales, et les plaintes à tout va contre des honnêtes citoyens qui luttent pour l’intérêt de tous les artistes.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, la communauté artistique gabonaise est truffée de faux artistes et de fossoyeurs de notre Culture. Voilà pourquoi, je vous exhorte à tripler de vigilance et d’intelligence ; à faire preuve de solidarité ; à apprendre à nous apprécier entre nous et à donner de la valeur à ce que nous faisons ; à taire nos divergences et querelles intestines pour former un front commun contre l’oppresseur ; à nous tenir loin, très loin des jalousies mesquines et des égos qui ne profitent à personne, et à lutter pour que la musique, le théâtre, le cinéma gabonais, qui étaient parmi les premiers et les meilleurs en Afrique, retrouvent leur lustre d’antan.
Je vous exhorte à élire à la tête des organisations (syndicats, associations, fédérations, confédérations, etc.) que vous êtes en train de mettre en place, des artistes engagés, probes, passionnés, réellement déterminés, dynamiques et amoureux de notre métier. Rappelez-vous pourquoi nous avions créé le SYA en 1998, alors que nous avions déjà le SYNAM, créé en 1994 ! Parce que nous avions placé à la tête de ce syndicat (le SYNAM) un artiste qu’il ne fallait pas, qui a séquestré ce syndicat pendant 4 ans, nous empêchant ainsi de poursuivre la lutte lancée.
Maintenant, je dois prendre congé de vous par cette petite note musicale, qui s’intitule : « MA PETITE FILLE DINA ».’’
Norbert EPANDJA