Le débat entre journalisme et communication persiste au cœur des médias gabonais, exacerbé par une confusion entretenue par les autorités précédentes. Cette situation influence toujours le paysage médiatique, tandis que la convergence numérique ajoute de nouveaux défis et opportunités pour redéfinir le rôle des médias dans la société gabonaise.
Héritage des anciennes autorités et enjeux de la formation des élites.
L’influence des anciennes autorités sur cette confusion est profondément ancrée dans l’histoire médiatique du pays. Cette politique intentionnelle a entraîné des répercussions majeures à différents niveaux de la société gabonaise : fusion de rôles et des responsabilités dans l’administration, vide dans la formation des élites journalistiques et communicationnelles dans les milieux académiques, et instrumentalisation des médias à des fins politiques et économiques dans les milieux institutionnels.
La formation des journalistes et des communicateurs au Gabon est cruciale pour un secteur médiatique dynamique et professionnel.
Malgré des initiatives telles que des programmes éducatifs adaptés, des défis persistent : ressources limitées, manque d’infrastructures et de normes professionnelles claires. Cependant, la reconnaissance croissante de l’importance d’une presse libre a conduit à un engagement accru en faveur de la professionnalisation des médias.
Révolution d’Internet pour une complémentarité nécessaire.
L’avènement d’Internet a profondément transformé le paysage médiatique mondial, y compris au Gabon. Cette révolution a permis une convergence naturelle à travers les plateformes de médias sociaux et les sites d’information en ligne, tout en ouvrant de nouvelles perspectives. Cependant, elle a également posé des défis majeurs aux médias traditionnels, confrontés à une concurrence accrue et à des modèles économiques changeants. Malgré la suspension de nombreux médias en ligne par la Haute Autorité de la communication pour non-régularisation légale, le « gendarme » des médias au Gabon voudrait rappeler que la viralité des informations sur les réseaux sociaux a parfois entraîné la diffusion de fausses nouvelles et de désinformation. De plus, les attentes du public gabonais en matière de contenu médiatique ont évolué, avec une demande croissante pour des formats plus interactifs, visuels et personnalisés. Dans ce contexte, les médias gabonais sont confrontés à la nécessité de s’adapter aux nouvelles réalités de l’ère numérique tout en préservant les valeurs fondamentales du journalisme et de la communication.
Dans un paysage médiatique en constante évolution, il est devenu impératif de promouvoir une approche intégrée de ces deux domaines. Reconnaître les spécificités de chaque discipline tout en favorisant leur collaboration est essentiel pour répondre aux défis et aux opportunités du numérique. Si le journalisme repose sur des normes éthiques strictes telles que l’objectivité, l’exactitude et l’indépendance, la communication elle, dans ce contexte aux frontières floues, favorise une plus grande efficacité et une meilleure pertinence des messages communiqués en les adaptant aux besoins et aux intérêts spécifiques d’un public cible. Cette approche intégrée permet de renforcer la crédibilité et la confiance du public en garantissant la qualité et l’objectivité de l’information diffusée. Dans un tel contexte, les médias gabonais sont confrontés à un ensemble d’opportunités et de défis qui façonnent leur avenir et leur rôle au sein de la société. D’où une réflexion pour saisir les opportunités futures : diversification des formats et des canaux de diffusion de l’information, meilleure accessibilité et interactivité pour un public plus large et diversifié, renforcement de la crédibilité et légitimation des pratiques éditoriales et déontologiques rigoureuses, consolidation de la confiance du public et promotion de la transparence et de la responsabilité dans la société. Les défis significatifs : prolifération de fausses nouvelles et désinformation sur Internet, concurrence croissante entre médias traditionnels et plateformes numériques. Pour relever ces défis et saisir les opportunités offertes, des recommandations clés : renforcer les normes éthiques et professionnelles, investir dans la formation et le développement des compétences des professionnels.
En conclusion, la confusion entre journalisme et communication constitue un défi pour les médias gabonais, mais offre également des opportunités de repenser leur rôle dans la société. En investissant dans la formation et en favorisant la collaboration entre ces deux domaines, le Gabon peut aspirer à un secteur médiatique plus professionnel et transparent, crucial pour le progrès socio-économique du pays.
Par Emmanuel Thierry KOUMBA, ancien conseiller de la Haute Autorité de la Communication (HAC) et enseignant à l’université Omar BONGO (UOB)
Mot du Directeur de la publication et de la rédaction
Cet article est paru pour la première fois dans le quotidien l’Union n° du 1er juin 2024 en page 12. Mais, par son caractère pédagogique et l’expérience de son auteur dans la formation des journalistes au Gabon (souvent à nos côtés), nous ne voulons pas faire rater une telle occasion à nos lecteurs spécialisés dans la « presse people » d’une part. Et d’autre part, à nos confrères indignés, désormais vent debout contre une certaine déconsidération de notre métier et de notre rôle dans la mise en place d’une véritable démocratie au Gabon.
Rhonny Starr Biyong