La jeune Cinquième République gabonaise, censée incarner un renouveau institutionnel, se heurte déjà à l’un de ses premiers grands tests de gouvernance. Au cœur de la tourmente : la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS), pilier central de la politique sociale de l’État, aujourd’hui secouée par un conflit de pouvoir aux allures de crise ouverte.
Depuis plusieurs semaines, un climat délétère s’est installé à la Sablière. Après l’affaire, déjà embarrassante, du vol d’un disque dur à la Direction des Ressources Humaines, un nouveau front s’est ouvert : celui d’un bras de fer sans précédent entre le Président du Conseil d’Administration (PCA) et la Directrice Générale, Nadia Christelle Koye. Selon une note interne largement relayée en fin de semaine dernière, le PCA a décidé de suspendre unilatéralement la DG de ses fonctions, plongeant l’institution dans un imbroglio juridique et administratif.
Problème : cette décision, dénoncée par des juristes et spécialistes de la gouvernance publique, est tout simplement illégale. En vertu des textes en vigueur, seul un Conseil d’Administration réuni en session ordinaire ou extraordinaire est habilité à prendre une telle mesure. Le geste du PCA s’apparente donc à une violation manifeste des règles internes, révélatrice d’un dangereux glissement vers l’arbitraire.
Pour beaucoup, cette suspension n’est que la partie visible d’un iceberg fait de rivalités personnelles, d’ambitions d’influence et de désaccords profonds dans la gestion des ressources. Un cocktail explosif qui met en péril la mission même de la CNAMGS, censée protéger les Gabonais les plus vulnérables.
Face à ce qu’il considère comme un abus d’autorité, le syndicat de l’institution a immédiatement réagi. Lors d’un point de presse tenu lundi, les représentants du personnel ont fustigé une « dérive autoritaire » et alerté sur « une mise en danger de la stabilité institutionnelle ». « Nous refusons que des querelles d’ego paralysent une institution stratégique pour la politique sociale du Chef de l’État », a martelé un délégué syndical, appelant le gouvernement à reprendre la main.
Cette crise dépasse largement les murs de la CNAMGS. Elle soulève une question fondamentale : comment un État qui prône le renouveau peut-il tolérer que des responsables publics foulent aux pieds les textes censés régir leurs propres actes ? Car derrière ce conflit, c’est la crédibilité même de la gouvernance publique qui vacille. L’incapacité à prévenir ou à corriger rapidement ce type de dérives envoie un signal préoccupant : celui d’une administration encore trop vulnérable aux ambitions personnelles et aux règlements de comptes internes.
Un Conseil d’Administration a été convoqué pour ce mercredi 7 octobre. Il s’agira d’un moment décisif : soit la légalité reprend ses droits et la hiérarchie est rétablie, soit ce bras de fer marquera un dangereux précédent pour l’ensemble des établissements publics.
Dans tous les cas, cette affaire agit comme un révélateur : celui d’un système administratif qui, malgré le discours de rupture, peine encore à rompre avec les vieilles pratiques. À la Sablière, ce ne sont pas seulement deux dirigeants qui s’affrontenta c’est l’autorité de l’État qui se mesure à sa propre capacité à faire respecter ses règles.









