J’avais lu avec stupeur dans la presse, les récits relatifs aux crimes horribles commis par 2 groupes de 4 jeunes gens, sous la baguette de 2 jeunes filles à la silhouette angélique, à peine sorties de l’adolescence.
D’abord, la petite #Léona Cyrielle, dans la commune d’Akanda, pour la maudite somme de 2 millions de francs CFA, dans un scénario digne des séries à suspens, a fini par planifier un assassinat, acte ultime d’une incroyable mécanique du crime qui a débuté par une simple série de photos publiées sur Facebook, la montrant brassant des billets de banque. Il s’en est fallu de peu pour que son frère, appâté par cette manne providentielle, lui tende la perche qui va constituer l’acte préliminaire d’une terrible conspiration.
Ensuite, au sud de Libreville au quartier Akournam, pour la ridicule somme de 10 000 CFA, la jeune Félicia Kakamba, après avoir imaginé un stratagème digne des polars américains pour poser un traquenard à son amant, avec la même froideur que pour poser un piège à souris, va assister sans sourciller, au braquage puis à l’assassinat de ce dernier par ses complices qui finiront par le jeter sur les rails pour tenter une diversion.
Ces faits inédits qui pourraient étonner les plus grands criminologues et psychologues, traduisent néanmoins une grave crise identitaire de notre jeunesse. En effet, « paraître plutôt qu’être » semble être la nouvelle pathologie dont souffre la jeunesse gabonaise d’aujourd’hui. Acculturée, désœuvrée, débauchée, délaissée et définitivement déboussolée par une société en proie à une crise politique et économique profonde, cette jeunesse n’a pour seuls exutoires, que l’usage abusif des drogues et des alcools, d’une part, et l’usage souvent inapproprié et addictif des réseaux sociaux, d’autre part. Facebook, Snapchat, Instagram, Whatsapp, Telegram… sont des théâtres où se mettent en scène des vies imaginées, inventées et souvent sublimées, qui finissent par absorber et hypnotiser nos enfants, tant l’absence de repaires culturels et moraux est devenue patente. Ces jeunes n’ont alors pour seule alternative que de rêver bêtement d’une vie meilleure ailleurs que leur pays a renoncé à leur offrir.
Et ce cocktail molotov de cultures importées ainsi manipulé, à coups de bits et de mégabits de leurs smartphones, finit par les perdre avant de leur exploser dans la gueule. Comment reconnaître le vrai du faux ? Le beau du laid ? L’utile du futile ? Et le crime du jeu ? Et pendant qu’ils rêvent de cet ailleurs meilleur, une violence insidieuse s’empare d’eux et les pousse à reproduire ces scénarios véhiculés par les réseaux sociaux dont les visages hideux sont ces crimes crapuleux.
Mais au-delà de l’horreur telle qu’elle nous est révélée dans les modus operandi de ces « criminels innocents », c’est notre société qu’il faudrait pourtant questionner. Pour comprendre ce qui a poussé 8 jeunes gens aux parcours différents et dont l’avenir était encore entier, à briser brutalement 2 vies en hypothéquant dans le même temps irrémédiablement 8 autres vies, les leurs ?
J’ai beau m’efforcer de les haïr, mais ces assassins aux regards de gamins interpellent autrement ma conscience. Car je perçois dans leurs yeux, cette détresse d’enfants qui s’éveillent brutalement d’un horrible cauchemar qu’ils ont fait. Et je finis par leur trouver alors, qu’on m’en excuse, des circonstances atténuantes, à travers la faillite et la décadence morale de notre société caractérisée par un renoncement total à nos responsabilités et à nos obligations vis à vis de ces jeunes.
Car au fond, à part ressasser au quotidien des idées noires, qu’ont-ils aujourd’hui pour échapper à l’oisiveté dont on sait qu’elle est mère de tous les vices ? Pas de bibliothèques pour pratiquer la lecture ; pas de plateaux sportifs pour pratiquer le sport ; pas de parcs d’attraction pour se distraire ; pas de conservatoires pour pratiquer les arts ; et le comble de ce vide sidéral, des écoles et des universités onéreuses qui fonctionnent à mi-temps… Les smartphones ont fini par occuper l’espace et tracent pour notre jeunesse, les autoroutes de la déroute. Même l’état refuse d’organiser et d’encadrer l’usage du numérique pour qu’il ne soit pas cette bombe à fragmentation qui pervertit nos jeunes mais davantage une opportunité de réussite.
S’il est aujourd’hui bien aise de jeter la pierre à ces 8 jeunes assassins, chacun réécrivant à loisir la trame de ces crimes gratuits, il n’en reste pas moins que le crime initial est de les avoir abandonnés à eux-mêmes.
Puisque nous avons renoncé à leur offrir une éducation, une instruction et une protection face à ces outils numériques qui produisent tant de confusions…
Ces 8 petits « assassins innocents » ne sont rien d’autre que les monstres froids que nous fabriquons dans le GABON d’aujourd’hui. Si rien n’est fait pour encadrer la jeunesse gabonaise, les drames qui viennent seront plus nombreux et encore plus hideux.