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Badecon en chef, l’un des activistes gabonais les plus virulents et les plus suivis sur la toile, est au cœur de toutes les discussions sur les réseaux sociaux. Une vidéo dans laquelle il est reçu par le chef de l’État lors d’un de ses voyages en France, où on lui tend une enveloppe qu’il met dans son blouson, a fuité. Connu pour son intégrité et la sincérité dans la lutte qu’il mène depuis avant la chute du régime dictatorial d’Ali Bongo, cette vidéo devenue virale a rapidement été exploitée par ses détracteurs pour le discréditer, le traitant de « vendu », de « menteur » et d’autres insultes.
Au-delà de la controverse, cet incident soulève des questions graves, car faire fuiter une rencontre privée du chef de l’État sur les réseaux sociaux a de lourdes conséquences. Lors d’une audience présidentielle, aucun téléphone n’est admis à l’exception de ceux des collaborateurs directs du président. Dans ce cas précis, la prise d’images, même furtive, a forcément reçu l’accord du chef. Qui a donc fait fuiter ces images et dans quel but ?
A droite , captée sur la vidéo qui a fuité, l’image de l’activiste fait le buzz sur les réseaux sociaux et le met en difficulté . Laurence Ndong à gauche , la ministre de la communication chargé de la presse serait impliquée dans cette conspiration .


De tradition, des images sont toujours prises lors des rencontres entre le président et ses farouches adversaires, surtout lorsque ce dernier leur offre un présent. Ces images servent de moyen de chantage contre les « grandes gueules » et peuvent être utilisées à tout moment. Seuls les naïfs ou ceux qui méconnaissent le fonctionnement du pouvoir tombent dans le piège.
Omar Bongo, qui encaissait les diatribes de ses opposants et syndicalistes la journée, recevait ces mêmes personnes la nuit et les tenait en respect grâce à ces images compromettantes. Ali Bongo a usé de cette méthode une seule fois contre une personnalité politique qui, après l’audience, avait nié publiquement l’existence de la rencontre et des accords passés.
Le général Oligui et ses collaborateurs maîtrisent ces méthodes. Le Badecon en chef est en bons termes avec le président et la fameuse vidéo ne devrait pas causer autant de remous. Les faits présentés dans ces images correspondent à ce que Badecon en chef avait lui-même déclaré après sa rencontre avec Oligui Nguema. Il avait bien mentionné avoir reçu du président une petite enveloppe d’argent pour payer son taxi il y a de cela un an. Pourquoi cette histoire est-elle réactivée et transformée en problème d’État à l’approche de l’élection présidentielle ?
Le président Oligui a-t-il lui-même orchestré cette fuite, doutant de la fidélité de Badecon en chef et cherchant à lui faire perdre en crédibilité auprès de la jeunesse et des populations pauvres qui comptent sur lui ? Ou s’agit-il de manœuvres internes au sein de l’entourage présidentiel ?
Même Ali Bongo n’avait jamais laissé fuiter ce type d’image, et encore moins Omar Bongo. Oligui ne saurait donc s’y prêter. Ce type de transaction se fait dans tous les pays, y compris les plus démocratiques, et la divulgation d’éléments compromettants est une arme classique du pouvoir pour contraindre les opposants à la loyauté.
Les conséquences de cette fuite sont graves : moins de personnes oseront désormais rencontrer le président ou accepter ses présents de peur de voir leur honneur détruit.
Selon Badecon en chef, cette supercherie provient de deux proches collaborateurs du chef de l’État. Il accuse la ministre Laurence Ndong, qui chercherait à le mettre en conflit avec Télésphore Ngomo, conseiller en communication du président, avec qui elle est en désaccord. Pour lui, des éléments du cabinet proches de la ministre seraient responsables de la fuite de la vidéo dans le but de le pousser à se retourner contre Télésphore et le président, fragilisant ainsi l’image de ce dernier.
Mettre en péril l’image d’une institution pour des querelles d’ego est inacceptable et doit être sévèrement réprimandé. Le président doit prendre des mesures rigoureuses contre toutes les personnes impliquées dans cet acte nuisible.