Le jeudi 16 mai, l’amphithéâtre de l’université de Dakar était en effervescence, débordant d’une foule enthousiaste et survoltée. Pour la première fois depuis son investiture il y a six semaines, le nouveau Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a participé à un événement public, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, l’opposant français de la gauche radicale. Cet événement marquait une étape significative dans l’affirmation d’une nouvelle orientation politique du Sénégal sous la houlette de Sonko.
Sonko, vêtu d’un boubou blanc revisité, a profité de cette occasion pour présenter sa feuille de route politique, axée sur des thèmes chers à son mouvement : souveraineté, identité nationale et indépendance renouvelée. Ses critiques acerbes à l’encontre du manque de soutien de la France et de l’Union européenne n’ont pas manqué de résonner auprès de l’auditoire, qui l’a acclamé chaleureusement. « Je le dis parce que, durant toute la période de persécution extrêmement violente contre tout un mouvement politique au Sénégal, ayant entraîné et causé la mort de plus d’une soixantaine de personnes, des milliers de blessés, plus de 1 000 détenus politiques, vous n’avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qui se passait au Sénégal », a-t-il déclaré sous les applaudissements.
Sonko a également abordé des sujets tels que la sortie du franc CFA, la réappropriation des ressources naturelles et la fin des bases militaires étrangères au Sénégal. Ces déclarations s’inscrivent dans une volonté manifeste de redéfinir les relations du Sénégal avec ses partenaires internationaux, notamment la France. « Nous ne lâcherons pas nos amis du Sahel », a-t-il affirmé en référence aux régimes putschistes au Mali, au Niger et au Burkina Faso, critiquant l’attitude des Européens vis-à-vis de ces pays et dénonçant l’ostracisme qu’ils subissent.
Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko avec Jean-Luc Mélenchon, leader du parti de gauche La France Insoumise, à l’Université Cheikh Anta Diop, à Dakar, au Sénégal, le 16 mai 2024.
Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, a salué la transition démocratique récente au Sénégal, malgré ses critiques envers le pouvoir français. « Pourquoi faudrait-il que des problèmes politiques en Afrique soient réglés par les Africains sur commande extérieure, en s’attaquant à des pays frères et à des populations, surtout ? », a ajouté Sonko, remettant en question l’ingérence étrangère dans les affaires africaines.
Les discours de Sonko et Mélenchon suggèrent un changement significatif dans la politique étrangère sénégalaise. Sonko semble déterminé à tourner le dos à une France perçue comme indifférente aux souffrances de son peuple, pour se tourner vers une politique de souveraineté et de solidarité panafricaine. La popularité et le soutien dont il bénéficie au sein du pays montrent que cette orientation pourrait bien résonner avec les aspirations de nombreux Sénégalais.
En conclusion, sous la direction d’Ousmane Sonko, le Sénégal semble s’engager sur une voie de réorientation de ses relations internationales, privilégiant une indépendance accrue et une coopération régionale africaine. Le discours de Sonko à Dakar pourrait marquer le début d’une nouvelle ère où le Sénégal revendique plus fermement sa souveraineté et reconsidère ses liens avec la France.
Source RFI
Photo : Ngouda Dione / Reuters