Demain, la ville d’Oyem, dans la province du Woleu-Ntem, sera le théâtre d’un concert exceptionnel offert par l’artiste congolais Fally Ipupa. Cet événement, financé par l’Association OSSIMANE, dirigée par des proches parents paternels du Chef de l’État, a suscité une vague d’indignation et de consternation au sein de l’opinion publique, des artistes locaux, et des leaders d’opinion.
Ce concert gratuit, bien qu’en apparence généreux, est perçu comme un symbole éclatant des vieilles habitudes que les Gabonais espéraient révolues. En effet, il rappelle à s’y méprendre les pratiques du régime déchu, qui préférait jeter des centaines de millions de francs dans les poches d’artistes étrangers souvent déjà très fortunés tout en abandonnant à leur sort les talents locaux .
Comment comprendre qu’en cette période de célébration de l’indépendance nationale, les artistes gabonais soient relégués au second plan, alors qu’ils incarnent l’identité et la richesse culturelle du pays ? Beaucoup d’entre eux vivent dans une précarité extrême, incapables de subvenir à leurs besoins ou de se soigner faute de moyens. Pendant ce temps, Fally Ipupa repartira du Gabon avec une valise de dizaines de millions de francs CFA, exempts de toute taxe, contrairement aux organisateurs de spectacles gabonais qui doivent payer des prélèvements fiscaux sur leurs concerts et autres, même lorsqu’ils les organisent à l’étranger.
L’initiative de l’Association OSSIMANE est perçue comme une trahison des promesses de restauration de la dignité gabonaise portées par le Président Oligui Nguema. Cet acte maladroit réduit à néant les espoirs d’un peuple qui croyait en un véritable changement. Il renforce l’idée selon laquelle « rien n’a changé » : les mêmes personnes, les mêmes pratiques, les mêmes injustices. Une fois de plus, les promesses de justice et d’équité sont écrasées sous le poids des privilèges accordés à une élite insouciante.
Cet argent aurait pu être investi dans un projet communautaire en faveur des artistes locaux du Woleu-Ntem, comme la construction d’un centre culturel ou le financement d’activités artistiques. Ce geste aurait été une manière de célébrer l’indépendance nationale tout en honorant le talent gabonais. Au lieu de cela, l’Association OSSIMANE a choisi d’éclipser les artistes locaux au profit d’un artiste étranger déjà immensément riche, alimentant ainsi le ressentiment et l’indignation.
Si le Président Oligui Nguema souhaite maintenir la confiance et l’adhésion du peuple gabonais, il doit veiller à ce que ceux qui l’entourent ne sabotent pas sa politique. Les actes de l’Association OSSIMANE risquent de creuser un fossé entre le Chef de l’État et ses concitoyens, en envoyant un message contradictoire : celui d’une continuité avec les abus du passé.
Il est encore temps de corriger le tir. Le peuple gabonais attend des actions concrètes qui placent leurs besoins et leurs aspirations au centre des priorités nationales. La restauration de la dignité ne peut se faire en humiliant les talents locaux au profit d’étrangers. En ces temps cruciaux, chaque geste compte. Et celui-ci, malheureux, devra être retenu comme une leçon.
Le peuple observe. Le peuple juge. Et le peuple, un jour ou l’autre, finit toujours par faire entendre sa voix.
Par Rhonny de DIDO-BALANCIA