Il y a un an, les Gabonais acclamaient leurs militaires comme des héros nationaux, applaudissant leur rôle décisif dans la chute d’Ali Bongo et de son clan. Mais aujourd’hui, ces mêmes militaires déçoivent, ternissant l’image de leur premier chef, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition. Les comportements répréhensibles de certains soldats soulèvent une question essentielle : cette armée est-elle encore digne de la confiance populaire qu’elle avait suscitée ?
Le général Jean-Bedel Boucka, Chef d’état-major des Forces armées gabonaises (CEMGFA), a récemment réuni ses troupes au camp Aïssat pour dénoncer les dérives qui gangrènent l’institution. Entre le non-respect du devoir de réserve sur les réseaux sociaux, la consommation de stupéfiants, l’escroquerie et la violence interne, les accusations pleuvent. Le cas tragique du second maître Johan Bounda, présumé victime de ses propres camarades d’armes, illustre ces dérapages.
Pourtant, ces discours fermes sonnent comme une ritournelle à laquelle les Gabonais sont habitués. Des menaces de sanctions qui, dans la réalité, se transforment rarement en actions concrètes. La population assiste quotidiennement à des scènes où des militaires en uniforme se battent dans les rues, s’enivrent dans les bars ou s’adonnent à des comportements honteux. Les espoirs de changement, nourris par la transition, s’étiolent face à ces spectacles dégradants.
Contrairement à la police, où les cas de radiation et de sanctions disciplinaires sont régulièrement annoncés, l’armée semble réticente à épurer ses rangs. Les paroles du général Boucka apparaissent davantage comme une tentative de calmer une grogne interne qu’une volonté réelle de redresser la barre. Cette inertie ternit non seulement l’image des Forces armées gabonaises (FAG), mais également celle de la transition tout entière.
Il est temps de passer des discours aux actes,Le général Jean-Bedel Boucka, Chef d’état-major des Forces armées gabonaises (CEMGFA) doit prendre ses responsabilités et non le chef de l’État
Et pourtant, le président Oligui Nguema n’a ménagé aucun effort pour restaurer la fierté nationale à travers son armée. Récemment dotés de nouveaux véhicules et d’équipements modernes, les soldats arborent de beaux uniformes qui avaient conquis les cœurs. Mais ces efforts sont sapés par un mode de recrutement opaque et des éléments douteux dans les rangs : repris de justice et voyous y trouvent encore trop souvent leur place.
Si le général Oligui Nguema souhaite maintenir la confiance du peuple gabonais, des réformes profondes s’imposent. D’abord, un assainissement rigoureux des rangs : les militaires impliqués dans des actes de violence, de corruption ou de trafic doivent être immédiatement sanctionnés. Ensuite, un recrutement basé sur la mérite et la moralité, mettant fin aux pratiques de copinage qui fragilisent l’institution.
Enfin, la responsabilité incombe aux hauts gradés de donner l’exemple et d’imposer une discipline stricte. L’armée gabonaise doit redevenir un modèle de probité et de courage, à l’image des aspirations du peuple.
À ce stade de la transition, le président Oligui Nguema est jugé à travers les actions de son armée. Si celle-ci continue de perdre la confiance populaire, c’est toute la crédibilité du pouvoir actuel qui sera ébranlée. Il est temps de passer des discours aux actes, car le peuple gabonais ne se contentera plus de promesses. L’avenir de la transition en dépend.