Alors que le Gabon traverse une phase de transition cruciale, la question brûlante reste celle du visage que prendra la nouvelle Constitution. Avec une date butoir fixée au 22 septembre, les parlementaires de la transition doivent examiner un projet constitutionnel qui promet d’influencer durablement l’avenir du pays. Toutefois, une réalité glaçante s’impose : les véritables architectes de cette Constitution ne sont pas les élus du peuple, mais bien les militaires du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Leurs mains fermes tiennent les rênes du pouvoir, et ce processus, qui se veut démocratique, pourrait bien n’être qu’une mascarade savamment orchestrée.
Le 13 septembre dernier, la société civile gabonaise a courageusement présenté ses propositions d’amendements. Parmi les mesures les plus audacieuses, on retrouve la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans, une tentative louable de limiter les dérives autoritaires qui ont ravagé le pays. Mais il y a plus grave : la clause d’éligibilité à la présidence, imposant que les candidats soient issus de parents gabonais eux-mêmes nés Gabonais, suscite une indignation légitime. Cette disposition, non seulement discriminatoire, piétine les principes fondamentaux d’inclusivité et bafoue les droits de nombreux citoyens gabonais. Cette condition, qui semble sortie tout droit d’une époque révolue, exclut une grande partie de la population, et pire encore, elle s’oppose au Code de la nationalité en vigueur depuis des
décennies.
Mais malgré ces propositions sensées et démocratiques, la menace d’un hyperprésidentialisme plane toujours. Comment, après des décennies de souffrances sous un régime où le président détenait des pouvoirs disproportionnés, peut-on encore tolérer un projet qui perpétue cette anomalie institutionnelle ? Il est impératif de briser ce cercle vicieux, mais encore une fois, la crainte persiste que la volonté populaire soit foulée aux pieds par des décisions prises dans l’ombre des casernes.
Le tableau est sombre : si les parlementaires débattent et proposent des amendements, la véritable décision revient aux militaires du CTRI, ces nouveaux maîtres du jeu. Cette réalité soulève une question fondamentale : peut-on réellement parler de démocratisation si le dernier mot revient à ceux qui détiennent les armes ? Les citoyens, qui nourrissaient l’espoir d’une transition démocratique, se trouvent face à une transition sous contrôle, où chaque geste semble calculé pour maintenir le pouvoir dans les mêmes cercles restreints.
Ce projet de Constitution, censé ouvrir une nouvelle page pour le Gabon, risque fort de se transformer en simple réécriture du passé. Si les propositions de la société civile, courageuses et visionnaires, sont ignorées, alors le Gabon pourrait bien retomber dans les travers d’un pouvoir concentré entre les mains d’une élite. Il est grand temps de se poser la question : cette transition est-elle réellement un pas vers la démocratie ou un retour déguisé à l’autocratie ?
Le peuple gabonais, qui aspire à un avenir meilleur, doit se montrer vigilant. Car si cette nouvelle Constitution ne reflète pas les aspirations profondes du pays, elle risque d’entériner un système déjà familier : celui où le pouvoir est concentré entre les mains de quelques-uns, et où la voix du peuple est réduite au silence. Que restera-t-il de cette illusion démocratique, si ce n’est un nouvel écran de fumée, cachant les véritables enjeux d’une transition sous emprise militaire ?
Alors que le Gabon tente de tourner la page d’un passé tumultueux, une question brûle les lèvres : la nouvelle Constitution sera-t-elle celle de tous les Gabonais ou celle imposée par une poignée de militaires ? La vigilance est de mise. Le peuple gabonais ne doit pas se laisser endormir par les promesses d’un changement factice. Car si les aspirations du peuple sont sacrifiées sur l’autel du pouvoir, cette transition ne sera qu’une farce, et l’avenir du Gabon restera tristement confisqué.