Le 12 septembre 2024, les États-Unis ont annoncé, par l’intermédiaire de leur ambassadrice auprès des Nations Unies, Linda Thomas-Greenfield, leur soutien à l’attribution de deux sièges permanents au Conseil de sécurité pour des pays africains. Ce soutien s’inscrit dans une démarche visant à rééquilibrer la représentation des différentes régions du monde au sein de l’ONU, et en particulier dans son organe décisionnel le plus influent, le Conseil de sécurité. L’Afrique, qui représente près de 30 % des États membres de l’ONU, réclame depuis plusieurs décennies une place plus importante dans cette institution, notamment en raison des nombreuses questions africaines qui y sont traitées.
Cette initiative répond à une demande africaine de longue date, remontant notamment au consensus d’Ezulwini de 2005, dans lequel les pays du continent réclamaient une réforme du Conseil de sécurité afin de corriger une injustice historique. En effet, l’ONU a été créée après la Seconde Guerre mondiale, à une époque où de nombreux pays africains étaient encore sous domination coloniale. Aujourd’hui, avec la montée en puissance des pays africains et leur importance sur la scène internationale, il est jugé nécessaire de revoir la composition du Conseil de sécurité pour inclure des représentants permanents du continent.
Ce soutien américain, bien que marquant un tournant dans les discussions sur la réforme de l’ONU, suscite des critiques. En effet, l’administration Biden-Harris a précisé que si les États-Unis soutiennent la création de sièges permanents pour l’Afrique, ils ne sont pas favorables à l’extension du droit de veto aux nouveaux membres. Le droit de veto, réservé aux cinq membres permanents actuels (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), est un outil de pouvoir essentiel au sein du Conseil. Il permet à un seul pays de bloquer toute décision majeure. Sans ce droit, les futurs membres africains risquent de se retrouver marginalisés dans les prises de décisions, leur présence restant symbolique plutôt qu’influente.
Cette restriction soulève la question de l’impact réel de cette réforme. Romuald Sciora, chercheur associé à l’IRIS, qualifie cette situation de « forme d’hypocrisie ». Pour lui, cette initiative américaine s’inscrit davantage dans une stratégie de reconquête de l’influence américaine en Afrique, dans un contexte de rivalité géopolitique avec la Russie et la Chine. Ces deux puissances ont d’ailleurs exprimé leur soutien à une représentation accrue de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité. Ainsi, l’annonce des États-Unis pourrait être perçue comme un moyen de se repositionner dans cette « guerre d’influence » en cours sur le continent africain.
Si la proposition venait à être adoptée, il resterait à déterminer quels pays africains siégeraient au nom du continent. Les grandes puissances régionales, comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Égypte ou le Kenya, seraient sans doute en première ligne. Cependant, cette décision nécessiterait une discussion approfondie au sein de l’Union africaine, basée à Addis-Abeba, pour garantir que les pays choisis représentent équitablement les intérêts du continent dans son ensemble.
Bien que la perspective d’obtenir deux sièges permanents au Conseil de sécurité semble constituer une avancée historique pour l’Afrique, l’absence de droit de veto pourrait réduire cette victoire à une simple formalité. Sans cet instrument de pouvoir, les pays africains risquent de continuer à subir les décisions des grandes puissances sans avoir réellement les moyens de peser sur les débats. Cette réforme, en l’état actuel, apparaît donc incomplète et pourrait même être perçue comme une farce diplomatique, offrant des sièges sans réel pouvoir de décision.
Ainsi, la bataille pour une réforme véritablement équitable du Conseil de sécurité reste ouverte. L’Afrique doit continuer à revendiquer non seulement des sièges permanents, mais aussi les moyens d’exercer une influence réelle sur les décisions internationales. En l’absence de droit de veto, l’élargissement du Conseil pourrait bien n’être qu’un écran de fumée, laissant l’Afrique à la table des puissants, mais toujours sans les outils nécessaires pour influer sur le cours des événements mondiaux.