L’enjeu de la dot dans les mariages coutumiers est un sujet épineux au Gabon, et sa régulation a suscité des débats animés ces dernières années. Il y a un ans ,le gouvernement gabonais avait rappelé l’interdiction de cette pratique, déclenchant ainsi une vague de discussions sur les réseaux sociaux. Cependant, il est peu connu que cette interdiction remonte à l’année 1963. Pour mieux comprendre cette loi datant du 31 mai 1963, il est instructif d’examiner les circonstances qui ont conduit à son adoption.
Mariage coutumier de nos jours au Gabon .
Le cas emblématique de Colette Meku :
La loi du 31 mai 1963 trouve son origine dans l’affaire emblématique de Colette Meku, une jeune fille originaire d’un village proche d’Oyem. Elle fut mariée de manière forcée à l’âge d’un an par son père. Lorsqu’elle atteignit onze ans et termina ses études primaires, Colette Meku prit la décision courageuse de fuir la maison familiale pour échapper à ce mariage imposé.
Colette Meku trouva refuge auprès des Sœurs bleues de Castres, qui dirigeaient l’école des filles d’Oyem. Sa mère, en soutenant sa fuite, subit les représailles de son père et de ses frères aînés. Face à cette situation, Colette Meku écrivit une lettre au président de la République, Léon Mba, pour lui exposer son cas. La réponse du président fut catégorique : il s’opposa au mariage forcé de la jeune fille et ordonna le remboursement intégral de la dot perçue par le père.
L’intervention décisive du président Léon Mba :
Feu Président Léon Mba
Léon Mba chargea Pierre Fanguinoveny, alors préfet du Woleu-Ntem, de suivre et de résoudre cette affaire sur le terrain. Après une réunion avec le préfet, le père de Colette Meku cessa les violences envers sa femme et accepta que sa fille poursuive ses études auprès des religieuses. Sous les directives de Léon Mba, Pierre Fanguinoveny et son administration lancèrent des enquêtes dans les écoles de leur circonscription administrative pour identifier les jeunes filles victimes de mariages forcés.
C’est à la suite du rapport du préfet du Woleu-Ntem sur les mariages forcés que Léon Mba décida de s’attaquer frontalement aux abus liés à la dot. Il proposa un projet de loi visant à interdire la pratique de la dot dans les mariages coutumiers, qui fut adopté le 31 mai 1963 à l’Assemblée nationale.
Une controverse autour des faits :
Cependant, il est important de noter qu’une controverse entoure les origines de cette loi. Selon le professeur Gabriel Zomo Yebé, qui a fréquenté Jean Marc Ekoh, ministre de l’éducation nationale de l’époque, l’affaire de Colette Meku n’est pas directement liée à l’interdiction de la dot. Elle aurait plutôt contribué à rendre la scolarité obligatoire pour les jeunes filles, car beaucoup ne voulaient pas les scolariser, les destinant au mariage précoce.
Le professeur Gabriel Zomo Yebé rapporte une anecdote selon laquelle Léon Mba, malgré l’interdiction de la dot, avait lui-même exigé la dot à la belle-famille de sa fille lors de son mariage. Il laisse entendre que des conseillers étrangers, peu familiers avec les coutumes locales, pourraient être à l’origine de cette loi.
L’interdiction de la dot dans le mariage coutumier au Gabon, datant de 1963, découle de l’affaire emblématique de Colette Meku, mais les origines de cette loi demeurent sujettes à controverse. Quelle que soit son origine, cette législation a joué un rôle essentiel dans la protection des droits des jeunes filles et dans la promotion de l’éducation des femmes au Gabon. Il est important de se pencher sur ces événements historiques pour mieux comprendre l’évolution des lois et des coutumes dans la société gabonaise.